Au Sud du Sud

Éric Joly

 

Journal de bord de Moby Dick I

 

 

 

Éric Joly

Karl Bissonnette

En mer…


Préface

La mer et moi

 

C’est une drôle d’histoire que nous contons ici.

Depuis mon enfance, j’ai toujours voulu naviguer. Un ami de mes parents, louait durant ses vacances avec sa famille un voilier, sa famille et la notre se sont donc donné rendez-vous, un été aux Marines de Cogolin. Mes parents louaient un « Mobile Home » dans un terrain de camping de Ste-Maxime qui s’appelait le « Kon-Tiki » puis « La Toison d’or ». Ils avaient deux filles, Cathy et Stef, de nos âges.

Mon frère et moi adorions nos vacances et les filles. Moi, je commençais à entrevoir ce qu’était la voile…

Le père des deux « princesses » s’appelait « Jean-Louis », c’est un homme qui à l’époque prêchait pour la liberté, le voyage à la voile, il disait que c’était son rêve. Je le crois volontiers, car maintenant qu’il a tous les moyens qu’il veut, cela reste un rêve…

Autre étape : l’école et les cours de voile au lac de Créteil… J’évite car les collègues de mon âge, je ne les aime pas, alors mon super « Doc » me fait des certificats me dispensant d’activités physiques !

Normand : Un bon pote que je rencontre via ma famille d’adoption au Québec. Il a un petit voilier, on se fait des sorties sur le lac des deux montagnes, mais ce n’est pas encore de la voile au sens aventure du terme, c’est la sortie en blanc du dimanche. Seulement  lui au fond, vit sa passion.

Un de mes clients en informatique me dit qu’il a un voilier et qu’il veut partir… Ouais, tout le monde dit cela, la plupart des voileux Québécois restent au lac Champlain…

Un jour, il nous invite pour une fin de semaine à bord… Une petite baie, une bonne bouffe, un bon vin… Et c’est le CLICK ! C’est comme cela que je veux vivre…

Deux ans après, il nous propose de descendre son bateau aux Bahamas…

 

Et nous voilà reparti pour de nouvelles aventures, mais cette fois-ci, sur un élément que nous ne connaissons pas :

LA MER !

 


Introduction

 

Beaucoup d’ouvrages parlent en détails de la route des « Snow-birds » québécois qui descendent l’intracoastal pour aller rejoindre la Floride ou les Bahamas, nous ne ferons qu’un court résumé de cette partie du voyage. Au Québec, nous disons que nous allons dans le sud l’hiver quand nous descendons dans ces régions du sud des USA.

Nous appelons notre journal « Au sud du sud », car pour nous le véritable voyage, celui que nous désirons vous conter a commencé plus bas. Ce sont des régions ou peu de « Snow-birds » s’aventurent sachant que le voyage aller prend la moitié de l’hiver. Les Québécois que nous rencontrerons sont la plupart du temps des gens qui vivent à l’année sur leur bateau et lorsqu ‘ils décident de remonter quelques mois l’été, ils prennent l’avion, laissant leur bateau à sec au Venezuela ou à Grenade.

L’aventure nous la vivons à trois, Karl, mon ami, Cookie, notre petite chienne qui fait partie intégrante de l’équipage et moi-même. Cela fait quatre ans que nous voyageons, mais à terre, nous avons vécu un an en Martinique, puis après un retour d’une petite année au Québec, le froid revenant, nous sommes partis pour un an en France. Puis se fut un petit passage de quatre mois au Québec qui nous fit, via une proposition touchant à la voile, descendre au sud des états Unis.

 

Nous avons rencontré hier, un couple de Québécois qui m’a demandé si j’avais gagné au Loto… En fait non, malheureusement ! Nous vivons au jour le jour, travaillant à droite et à gauche, fabriquant de petits souvenirs à bord que nous vendons aux touristes, quelques configurations d’ordinateurs sur les autres bateaux. Cela suffit à payer les frais du voyage.

Nous ne vivons pas dans le luxe, mais ceci est le prix de notre liberté, de nos coups de soleil du mois de janvier…
Chapitre 1 : Au revoir le froid.

 

Nous descendons à bord d’Aurora, un Vision 32 (hunter), le projet initial était de se rendre jusqu’aux Bahamas, y laisser Aurora puis continuer la descente jusqu’en Martinique.

 

Journal de Bord : Aurora vers le sud

 

Départ : 07-Oct-2002 11:52:34    44 49.813 N       073 24.160 W

Les deux jours précédant le départ furent consacrés au bricolage, à la construction des supports de mât, aux derniers branchements. J’en ai profité pour goûter aux joies le la baignade dans l’eau glacée afin d’enlever une amarre prise dans l’hélice de Tzigane, le bateau de nos amis qui descend aussi vers le sud.

 Le 7 octobre, nous quittions la Marina Gilbert Brooks, Monthy’s Bay, au Lac Champlain à Chazy (N.Y.)

 Après une grosse journée de navigation  pour traverser le lac Champlain qui était déchaîné (nous n’avions jamais vu de telles vagues sur un lac !) nous arrivons à Wisborrow bay marina afin de démâter. Il est essentiel d’enlever le mât du bateau pour continuer le voyage car nous emprunterons le canal Champlain qui rejoint la rivière Udson qui nous mène à New-York city.

Nous espérions bien démâter le lendemain, mais le responsable de la Marina n’était pas de cet avis. Prenant en plus le mercredi et le jeudi de repos, il ne nous proposa que vendredi, nous avions donc trois jours d’attente… Nous sommes donc revenus au Québec afin de faire les derniers achats et dire, une autre fois, au revoir à nos amis.

Enfin, le vendredi à 11h00, la marina daigne bien nous démâter…

Nous voilà donc parti, vers le sud au moteur, tel une péniche.

Dès la sortie du lac nous entrons dans le canal, les berges se resserrent doucement sur nous et c’est un festival de couleurs qui nous envahis. Nous traversons de petits villages, des fermes… Le canal a des parties très droites ce qui fait que la navigation est rendue au plus simple, plus besoin de surveiller la carte et les bouées vertes ou rouges.

Nous avons traversé 12 écluses en trois jours, dormi au mouillage dans de petites baies abritées des vents et essayé tous les vins américains sous vide…

       

15-Oct-2002 15:43:03          42 31.748 N       073 45.515 W

Le 15 octobre, nous décidons de nous arrêter à Castelton dans une petite Marina car nous n’avons plus d’eau, et comme la douche n’était pas en fonction à bord, il commençait à être temps d’en trouver une. Nous arrivons donc en fin d’après midi, et là, on nous propose de remâter car il y a une grue libre-service pour 25$, cela représente une belle économie car nous devions remâter le lendemain dans une marina pour 108$, de plus, un des gars de la marina nous propose son aide pour 25$ de l’heure. C’est parti, on décide donc de remâter et de transformer la péniche en voilier. Ce ne fut pas chose simple, mais deux heures de travail acharné (le mât pèse 400 Kg et on doit le faire entrer dans un trou où il n’y a pas un millimètre de jeu, tout cela en tenant compte du vent et des mouvements du bateau !).

Le lendemain fut consacré au remontage de la bôme, des voiles, des écoutes, etc.

Nous avons donc quitté Castelton, qui au passage, est vraiment une ville fantôme, le 17 octobre à 14h00 pour nous rendre à une autre marina car nous avons besoin de silicone pour étancher la base du mât car il pleut dans notre cabine, et faire arranger l’enrouleur de génois car un morceau, lors de sa réinstallation a décidé de prendre un bain, c’était une pièce de métal importante qui flottait mal !

New-York City

18-Oct-2002 11:25:14         42 12.589 N       073 51.296 W

Nous sommes pour la nuit au mouillage de la marina Riverview, où nous avions prévu à l’origine de remâter. Une chance, que nous avons eut la bonne idée de la faire auparavant ! Tiger Sea, un bateau qui nous avait dépassé après une écluse attend depuis 4 jours pour remâter… Le niveau de la rivière est trop haut et ils ne remâtent pas en cas de pluie… Ils doivent le faire normalement aujourd’hui. Nous avons donc passé une belle nuit au mouillage après une soirée cinéma sur le PC.

Atantic city…

Nous y avons passé trop de temps…

La météo est atroce, impossible de bouger, Nicole, notre amie du Québec nous envoie la météo tous les jours sur le pocket mail, et c’est pas beau… On visite, revisite Atlantic City, et ce n'est pas beau…

Nous commençons à sentir mauvais, la journée sera donc consacrée au lavage de nos corps… On entre dans un hôtel, proposant de payer pour aller à la piscine, en vain, on en essaye d’autres sans plus de succès. Atlantic City compte plus de 30 casinos collés à des hôtels de luxe, cela nous donne une idée…

On entre donc dans un casino, on enlève les manteaux que l’on cache dans un sac, puis l’on fait comme chez nous…

OK, on s’est fait jeter quelques fois, mais l’expérience aidant, au bout d’un moment, nous finissons dans un Spa avec 3 piscines, jaccusi, douches, parfums, rasoirs, crèmes, etc. … Cela fait du bien… On ressort discrètement, complètement PROPRES !

Nous fêtons l’Halloween à bord et l’anniversaire de Cookie, qui comme le veut notre tradition, mange à table le jour de sa fête !

Deux jours de brume…

 

 

Nous avons terminé le voyage en avion de Miami car il était difficile de traverser la mer des Caraïbes et nous étions pris par le temps et les moyens. La traversée d'une partie des États Unis en bateau fut une très belle expérience. Les lacs, les canaux, les écluses, les rivières, puis la mer, quelques tempêtes, les cargos, et surtout l'ambiance entre les bateaux fuyant le froid du Nord nous ont chargés de souvenirs que nous ne sommes pas prêts d'oublier. Nous venons d'acheter un petit bateau (Finnclipper 35) pour habiter que nous comptons revendre dès que l'on a celui que l'on veut pour travailler, on le remontera peut-être pour mieux le vendre car c'est un bateau fait pour le Nord. Pour le moment on le retape ! Cela nous permet donc de ne pas payer de loyer en attendant. Nous sommes pour un mois à la marina du Marin car nous avons besoin d'électricité et de pièces pour des travaux à faire à bord, la semaine prochaine nous changeons le gréement et le mât,  ensuite nous irons à Ste-Anne ou 3 Îlets car Karl a une proposition pour un boulot dans un restaurant.

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’Intracoastal

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Norfolk, où l’on croit (peut-être à juste raison) que les USA sont toujours en guerre…


Chapitre 2 : Au sud des Antilles

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

24.07.03 : Anse Caritan, en Martinique, île où nous avons vécu il y a 3 ans durant une année.

Découverte en 1502 par Christophe Colomb, la Martinique est presque toujours restée française depuis sa colonisation par Desnambuc en 1635.

Quelques dates à retenir :

1848 : Abolition de l’esclavage par Victor Schoelcher .:

1902 : Éruption de la Montagne pelée, 30 000 morts et la fin de St-Pierre en tant que capitale administrative au bénéfice de Fort de France autrefois Fort Royal ou Foyal.

1946 : La Martinique devient département français d’Outre Mer.

1974 : Passage à la monnaie française, qui remplace la monnaie locale.

La Martinique est aussi appelée « Madinina ou Île aux Fleurs » et parfois « l’Ile aux Revenants » tant il est vrai que l’on y séjourne rarement qu’une seule fois.

C’est une belle île qui, partagée entre le Sud et le Nord nous offre la forêt luxuriante et les plages de sable blanc bordées de cocotiers.

Physiquement, elle est superbe, mais plus on la connaît et plus on s’aperçoit de ce qu’il peut s’y passer. En trois ans, nous avons remarqué malheureusement une dégradation, les agressions augmentent, on se fait insulter facilement et les vols d’annexes se multiplient. C’est dommage, il y a tant de gens extraordinaires, je crois qu’il faut craindre les générations à venir qui n’ont plus la motivation de leurs parents.

L’accueil n’est pas extra, l’avantage pour nous, c’est la possibilité de trouver des produits français comme le vin et le fromage à des prix raisonnables, par contre évitez d’acheter du poisson ou des fruits, légumes qui sont le double, voir le triple, du prix des autres îles..

Pour nous, c’est le temps de partir, surtout que sur un bateau, il y a toujours des réparations. Nous avons donc fait réparer plusieurs choses, travail bien fait, mais à quel prix !

Nous hissons donc la grand voile ce jour car le sud nous appelle ! La découverte d’autres îles nous motive, mais aussi le moyen d’éviter un éventuel cyclone durant la mauvaise saison.

Nous levons donc l’ancre de l’Anse Caritan à 6.00 du matin en direction de Ste Lucie.

Nous sommes très motivés, et Moby Dick I, que nous ne connaissons pas encore très bien en mer semble impatient d’aller jouer avec les vagues et le vent… Et bien il était le seul, car après quelques milles, le combat avec la mer commence, et il durera 5 heures. 5 heures de batailles avec une houle de 3-4 mètres de travers, bien hachées car c’est un canal entre 2 îles.

Nous touchons donc aux côtes de Ste Lucie à Rodney Bay. Ste Lucie, parfois considérée comme un pays pas très développé, s’offra à nous comme une île quelque part en nouvelle Angleterre (USA). J’arrive donc à la marina pour les formalités d’usage, tout est propre, pas un papier à terre ! Il y a des panneaux nous indiquant où aller, les gens sont souriants, bien gras, une bière à la main. Je vais donc faire ma « clearance » car je dois faire le plein des cuves. Cela me coûtera 50 cts d’euro le litre au lieu de 1 euro en Martinique, quand on a 240 litres à remplir, cela vaut la peine ! Je rentre donc dans le bureau de « Custom and Immigration », j’ai un peu peur de déranger, car trois personnes en uniformes (différents) regardent un match de base ball à la TV… Je me dis donc, c’est déjà plus le Québec, l’Amérique que la Martinique, effectivement, Ste-Lucie est une ex-île anglaise très américanisée, donc fan de Base Ball !

Je m’adresse à une des trois personnes qui m’envoie au bureau du fond (2 mètres plus loin, sans séparation). Je remplis le formulaire pour le bateau et ce que l’on transporte, je passe au deuxième bureau en décalant ma chaise d’un mètre, on me demande les passeports, c’est l’immigration, puis enfin je passe à la caisse à coté où je reçois les tampons. 2-3 sourires entre deux balles et un circuit et me voilà prêt à aller faire le plein, hors taxes ! .

Une fois chez Shell, les réservoirs pleins, le pompiste engage la conversation en me demandant des revues, j’en avais quelques-unes sur la voile en anglais, il a refusé… Il ne cherchait pas les bateaux mais les filles. C’est bon à savoir pour la prochaine fois, on pourra troquer !

Nous quittons donc la magnifique Rodney Bay (un peu touristique) pour aller mouiller à l’anse cochon qui est une réserve faunique magnifique peuplée de millions de poissons peu sauvages ayant la loi pour eux !

Nous mouillons et dormons d’un sommeil que nous espérons réparateur après ces 5 heures de combat avec la mer.

La nuit fut aussi un autre combat, car même si le site est magnifique, il n’empêche pas les vagues de  le rendre rouleur (le bateau roule, c’est à dire qu’il se penche à droite et à gauche tout le temps. Cela valait la peine, le site est tellement superbe.

Après cette journée mouvementée, nous décidons de rester une nuit de plus à Ste-Lucie avant la grande traversée vers les Grenadines.

Ste-Lucie a aussi été découverte en 1502 par Christophe Colomb, au cours de son 4ème voyage. Elle passa alternativement des mains des Anglais aux mains des Français plus d’une quinzaine de fois au XVIIème et au début du XVIIIème siècle.

État associé au Commonwealth en 1967, elle obtint son indépendance en 1979. Depuis le début des années 80, l’île connaît un énorme essor touristique.

 

Le 25.07.2003 : Ste Lucie

Réveil à 6.30 par les pêcheurs. Une fois debout, nous nous équipons pour aller visiter la fameuse réserve (un peu vidée par les pêcheurs de 6.30 !). Effectivement, c’est très beau, je me suis même retrouvé face à une énorme langouste qui m’a lancé un doux regard sachant que de toutes façons, elle ne finirait pas dans mon assiette se sachant protégée par la loi !

Vers la fin de l’après midi un bateau des Rangers Marines se promène, nous sommes sur la plage à jouer, à faire des châteaux de sable. Le bateau approche et aborde les amis qui naviguent avec nous sur leur catamaran, je me dis donc, comme ils n’ont pas fait leur « clearance », ils sont bons pour payer, 5 minutes plus tard ils nous appellent, le Marine Ranger « Peter Bucher » venait chercher ses 10 euros de taxe pour séjourner dans la réserve et profiter des corps morts, il nous a raconté un peu l’histoire de son île, nous a dit que l’on pouvait mouiller maintenant dans toute la réserve, il a bien apprécié la bière froide !

 

Nous partons donc, suivant ses conseils, mouiller entre les 2 pitons, magnifique mouillage très impressionnant  et grandiose. A ne pas manquer, même si cela roule un peu.

Nous avions demandé la météo au chef Ranger la veille pour traverser, il est revenu avec un collègue nous voir aux 2 pitons avec une feuille imprimée. Il a bien apprécié le rhum martiniquais !

Le 26.07.2003

4.00 : Réveil, c’est dur après le rhum !

5.00 Départ pour Bequia direct car on boycott St-Vincent à cause des agressions, des pirates.

17.00 Arrivés dans le pré-paradis, Bequia est tellement accueillant qu’il  faudrait y passer un mois ! C’est une île pas trop riche mais qui a compris comment vivre du tourisme. Ils savent accueillir, ne nous massacrent pas  avec les prix. C’est propre, il y a un café Internet avec des connections pour les portables à haute vitesse, bien plus haute que la Martinique, un petit marché où tous les vendeurs sont des rastas (qui n’offrent pas que des légumes !). Bref, après une journée, on connaît du monde, on nous connaît, on se sent chez nous ! Vraiment une Île qui à mon avis a de l’avenir, tout comme Ste Lucie mais à une échelle plus petite, donc plus intime et plus humaine.

Béquia fait partit des îles dépendantes de St-Vincent (Les Grenadines de St-Vincent), elle s’est surtout illustrée au XXéme siècle avec l’arrivée des « Colons » issus d’Écosse et de New Bedford. Pêcheurs invétérés de baleines, ces marins partaient à l’assaut de ces immenses mammifères à bord de leurs barques pays, équipés de harpons. L’île, dont le point culminant est à 260m compte 7000 habitants.

 

Le 27.07.2003 Bequia

C’est trop beau, on reste ! On se fait une marche de quelques heures afin de visiter le vieux fort transformé en hôtel, géré par un français. C’est le lieu de vacances de Peter Falk (Colombo), là il est tranquille, personne ne le connaît !

On retourne chez nos copains rastas acheter quelques fruits puis on prépare le bateau pour le lendemain.

Le 28.07.2003 Cannouan

Nous décidons de faire halte à Cannouan car nous ne connaissons pas. L’île est plus pauvre et n’offre pas beaucoup d’intérêt si ce n’est que la magnifique vue sur « The Pool » située sur la cote au vent. C’est un magnifique lagon très difficile d’accès en raison des nombreuses Cayes qu’il faut contourner pour y entrer. Le soir, un pêcheur nous vend une magnifique langouste de plus de 2 kilos pour 10 $ US !

Le 29.07.2003 Mayerau

C’est un moment que l’on attendait depuis longtemps, la fameuse « Salt Whisle Bay », la carte postale classique, le petit mouillage que l’on ne veut jamais quitter… Après encore un canal mouvementé, on y est !

Mayerau est une île privée appartenant à une famille de St-Vincent qui fut durant des années, dirigée d’une main de fer par le père Divonne (Dominicain). Il a entreprit beaucoup de chantiers sur l’île dont un immense mur récupérateur d’eau. C’est une des rares îles à majorité catholique. Elle compte 260 habitants.

Karl organise un tour de l’Ile avec des amis. Je reste, non pas pour profiter du mouillage, mais pour réparer le désalinisateur d’eau qui est en panne… C’est aussi cela la vie sur un bateau, il faut bricoler pour survivre, et comme je n’y connais rien je cherche, essaye, fait des gaffes… On se couche, ce n’est pas réparé !

 

Le 1er .08.2003 Nous contournons Mayereau pour entrer dans les célèbres Tobago Cayes. C’est l’endroit le plus réputé des Grenadines avec ses plages splendides et ses fonds limpides, et notamment grâce à la notoriété du commandant Cousteau qui l’a fait connaître. Le soir même, nous organisons l’apéro autour d’un feu sur la petite plage de l’île de Jamesby. Comme nous avions choisit un endroit très rouleur, nous décidons de remonter un peut plus au Nord où se trouve tous les autres bateaux, et là, nous jetons l’ancre à coté de Québécois, avec qui nous sympathiserons le lendemain et qui m’expliqueront que lorsque nous sommes arrivés de nuit à coté d’eux, il disait à sa femme que nous étions sûrement d’extraordinaires marins et que l’on était un exemple de professionnalisme car mouiller de nuit dans un tel endroit était très fort ! Ce qu’il ne savait pas c’est que l’on venait juste d’avancer de 500 mètres !

Le lendemain midi, nous organisons avec Margaux, le cata qui nous suit depuis le début, Victor, des Français en vacances à qui nous avons rattrapé l’annexe détachée puis sympathisé et Pérideau, le bateau québécois de Marc, Johanne et leurs enfants un apéro sur la plage. On aurait bien invité tout le monde à bord, mais je crois que le pont n’aurait jamais suffit !

On se donne rendez-vous le lendemain pour cette fois-ci le repas du midi, chacun apportant sa participation comme cela se fait dans le monde du bateau.

La nuit suivante fut terrible, une onde tropicale passa au-dessus de nous qui nous plongea dans une ambiance apocalyptique. Réveillés par des sons de coups de fouets, nous étions au cœur de l’orage, la foudre tombait autour de nous, nous étions tous debout à surveiller nos ancres, prenant comme repères les plus proches voisins car l’on ne voyait plus rien d’autre. Le tonnerre, les éclairs, bref, se fut le thème des discussions du lendemain. Il y a même un bateau dont la VHF s’est mise à fumer à cause de l’électricité statique créée par l’orage !

Le lendemain fut réservé au plaisir de la plage, de la découverte des îlots et de l’exploration sous-marine

J’ai fini par réparer le déssalinisateur ! Je l’ai démonté au complet, changé les vannes et tous les joints et cela a marché. !!!! Vive l’eau douce !!!!

Simplement beau

Nous avons quitté les Tobagos Cayes le 4 août, je crois pour Carriacou mais en s’arrêtant le midi sur Morpion avec Margaux et Pérideau. Morpion est un « mini-îlot », en fait, juste une plage avec un parasol en feuilles de cocotiers au milieu de la mer…  Le soir nous arrivons à Tyrrel Bay sur Carriacou nous sommes dans les Grenadines de Grenade. Nous soupons sur Pérideau.

Carriacou est encore un autre paradis où les gens sont très accueillants. Nous y passerons 2 jours. Nous trouvons un petit resto ayant comme plat du jour un poulet frites à 2 $US ! On craque !

Le 6 août, nous partons vers le sud, comme toujours depuis maintenant 11 mois, pour faire un petit arrêt sur l’île Ronde. Une petite île déserte. Là enfin nous posons le pied sur une plage sans trace, nous sommes 2 bateaux, Margaux et nous, nous nous sentons vraiment comme les premiers explorateurs ! Nous faisons une soirée grillades sur la plage. Le lendemain au levé du soleil, nous quittons Margaux qui rentre vers le nord, nous nous dirigeons sur Grenade à Pricky Bay.

Nous sommes aujourd’hui le 9 août 2003 et nous venons de retrouver deux bateaux-amis de la Martinique.

Le 31 août 2003

 

Après avoir fait un rapide aller-retour à Toronto pour le mariage de mon frère Christophe, avoir fêté mon anniversaire à bord, l’anniversaire d’une amie, puis de nombreuses soirées à bord des bateaux voisins ou encore sur la plage, nous sommes toujours à Grenade !

Vous comprendrez donc que cette île nous plait bien ! Grenade, que l’on appelle aussi l’île aux épices a su nous charmer par son accueil et sa généreuse nature (Karl a ramassé près de 200 noix de muscade !) Aujourd’hui le 31 août 2003, je profite du fait que le moteur tourne afin de charger les batteries pour ouvrir le PC et vous donner quelques nouvelles.

Grenade est située à l’extrême sud des îles au vent. Si l’on continue plein sud, 90 milles plus loin, ce sont les Iles du Venezuela (Los Testigos).

Les trois principales îles qui forment la nation de Grenade incluent l’île de Grenade, Carriacou et Petite Martinique.

La nature luxuriante de l’île de Grenade justifie son deuxième nom, le plus populaire : L’île aux Épices. En effet, il y a plus d’épices ici que dans n’importe quel autre endroit au monde. L’île de Grenade produit un tiers de la  production mondiale de noix de muscade, ce qui lui permet d’être le deuxième plus grand producteur. Autres épices cultivées dans l’île de Grenade : les clous de girofle, la cannelle, le cacao, le gingembre, et le curcuma.

Aperçue par Christophe Colomb en 1498, l’Ile de Grenade jouit d’une histoire riche. Elle a été soumise à la domination française et anglaise, entre 1609 et 1783, jusqu’au traité de Versailles qui a cédé la Grenade à la Grande Bretagne. L’héritage français est cependant toujours présent dans l’île, puisque beaucoup de sites portent encore des noms français.

Nous sommes actuellement mouillés dans une petite baie dans un trou à cyclone très sympathique où nous avons retrouvé des amis français, nous sommes donc 4 bateaux à parler la langue de Molière contre une vingtaine celle de Shakespeare.

Le nom du mouillage pour les marins ou ceux qui nous suivent carte à la main, est « Hog Island » (coté Ouest).

Nous profiterons encore environ une semaine de Grenade afin de faire quelques réparations car notre prochaine destination est « Los Testigos », petit archipel d’îles vénézuéliennes où l’on ne trouve rien si ce n’est  du poisson.

Nous attendons également la pleine lune car nous devrons naviguer de nuit.

La semaine prochaine, des amis louent une voiture pour visiter l’intérieur de l’île, ils nous ont proposé de nous en faire profiter. Je crois que nous allons nous charger d’épices ! En fait, nous faisons comme nos ancêtres, la route des épices !

 

 

            

Ballade en forêt                     Noix de Muscade

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Futur Rasta


 

Nous sommes aujourd’hui le 19 septembre 2003, je le sais car hier, nous avons fêté l’anniversaire de Fred, notre ami du Wapaye, maintenant, vous dire le jour de la semaine nous est impossible, plus nous avançons, plus nous perdons le sens du temps, des jours et des heures. Nous savons au soleil quand l’heure de la pêche arrive, quand nous devons nous habiller pour aller prendre l’apéro, quand il faut se lever, bref, nous vivons au rythme de la mer, du vent et du soleil.

 

Nous avons donc quitté l’Île de Grenade le 11 septembre à 17 heures 30. Il n’y avait pas de vent mais nous ne voulions pas attendre encore une journée de plus, nous avions hâte de voir les célèbres Testigos. Nous partons donc au moteur espérant avoir du vent au large de Grenade en vain…

Pour une première nuit de navigation sur Moby Dick, la mer devait nous baptiser, nous et notre bateau.

La lune était pleine, ce qui nous permettait de voir la mer et également nous rassurer, car naviguer sans rien voir est un peu angoissant. Au loin, face à nous, un orage éclatait, jusque là, rien de gros, la mer était belle, le vent quasi absent.

La foudre au loin semblait passer d’un nuage haut à un nuage bas sans jamais atteindre la mer, cela ne faisait qu’éclairer le ciel. Je jette un œil sur la carte en me demandant si je devais faire un détour pour l’éviter au cas où. Je m’aperçois en regardant mon cap, ma vitesse, celle du vent et de l’orage qu’en continuant j’arriverai dessus, mais en faisant un détour on arriverait plus tard, au moment où le soleil n’est plus au zénith donc on ne verrait plus les récifs lors de l’approche des îles que nous ne connaissons pas. Je décide donc de continuer étant confiant, pensant qu’il ne s’agissait que de petits éclairs de chaleur bien haut dans le ciel. A une heure du matin on s’aperçoit que la foudre tombe au loin dans la mer, à deux heures on est dedans. Le ciel s’obscurcit en deux minutes, c’est la nuit noire, le vent se lève, la mer se gonfle, on est en pleine tempête, la foudre tombe autour de nous, Cookie est cachée, roulée en petite boule sous la barre et tremble de tout son corps. Nous ne sommes pas fiers non plus, nous ne connaissons pas les orages en mer. Nous avions entendu qu’il fallait entourer le mât d’une chaîne et la laisser traîner dans l’eau, qu’il fallait tout débrancher. Il aurait fallut y penser auparavant, il est hors de question que l’un de nous aille à la proue sortir la chaîne et la manipuler au pied du mât pour deux raisons, la première, la mer est mauvaise et il fait nuit noire, la deuxième, et si la foudre décidait de s’abattre au moment où l’un de nous est au pied du mât. Je décide donc d’éteindre tout sauf le pilote automatique. Je suis fatigué, je vais donc me reposer avec la Cookie qui se cache sous l’oreiller. Karl prend donc son quart, GPS sur piles, lampe électrique à la main assit au fond du cockpit. Je peux vous dire que je n’ai pas vraiment trouvé le sommeil…

A 4 heures du matin tout était redevenu normal, le bateau filait 6 nœuds droit vers les Testigos. L’île était enfin en vue dans la douce lumière réconfortante du petit matin quand nous reçûmes la visite du comité d’accueil. Une trentaine de magnifiques dauphins nous firent un superbe ballet d’une demi-heure, se croisant, sautant, jouant avec l’étrave, se retournant même en nageant sous l’eau afin de nous regarder. Il semblait nous dire, que la nuit de galère était terminée, qu’il fallait profiter à fond de toutes les belles choses que l’on allait voir maintenant.

À 10 h 30 nous jetions l’ancre dans la baie de Testigo Pequeño, où habite le célébrissime Chon Chon, au milieu d’une dizaine de bateaux français.

Le moteur décide soudain de s’arrêter tout seul, il doit s’agir certainement de cochonneries dans le diesel, nous verrons cela plus tard.

Nous avons été accueillis par Céleste qui nous offrit de partager une superbe salade pour nous remettre de notre nuit. Un peu plus tard dans la journée, nos amis sur le Wapaye nous rejoignaient, ils étaient partis à 3 heures de Grenade.

Dernier quart après l’orage, même Cookie est KO !

Les Testigos font partie des Îles vénézuéliennes, Le Vénézuela est un grand pays de 22 millions d’habitants dont la capitale est Caracas. Au large de ses cotes se trouvent des archipels d’îles plus ou moins grands, comme Los Testigos, Blanquilla, Tortuga, Margarita, Orchilla, Los Roques, Los Aves, etc. Le Vénézuela fut découvert le 5 août 1498 durant le 3ème voyage de Christophe Colomb. Le pays fut exploré l’année suivante lors de l’expédition d’Alphonso de Ojeda où Amerigo Vespucci et Jean de la Casa découvrirent le golf de Maracaibo et les maisons sur pilotis dans lesquelles vivait la population, cela leur rappelait Venise, d’où le nom « Venezuela », petite Venise. Les premiers colons espagnols arrivèrent en 1521 et occupèrent le sol durant près de trois siècles en dépit de nombreux combats.

D’une superficie de 910 000 km2, le Vénézuela devint indépendant en 1811. Situé à la porte de l’Amérique du sud, considéré sur le plan international comme une zone à risque, le Vénézuela, outre le fait de sa puissance économique découlant de ses ressources pétrolières, (qui nous fait le diesel à quelques cents…), eut un passé avec de nombreux soubresauts politiques.

Cette patrie de Simon Bolivar jouit de paysages exceptionnels. A l’Ouest, les crêtes andines enneigées, au sud, la forêt amazonienne habitée par des tribus encore primitives, puis le littoral avec plus de 2800 km de côte.

Le Vénézuela abrite aussi la plus haute cascade du monde, le Salto del Angel et le plus grand lac du continent sud-américain, le Marcaibo.

Cela nous fait donc beaucoup de choses à découvrir, pour le moment nous décidons de nous attaquer à la découverte des îles, le continent étant réputé dangereux et l’on y recense beaucoup d’actes de piraterie. Ces jours-ci, nous décidons de devenir pêcheurs, nous ne mangeons presque pas de poisson, c’est un comble sur un bateau d’ouvrir une boîte de sardines.

Nous décidons donc de partir avec Fred et Éric en annexe pêcher derrière l’île dont la réputation en matière de poissons n’est plus à faire.

Premier soir, 2 bonites, c’est encourageant, nous décidons le lendemain de retourner tous les deux seulement. Nous sortons rapidement une petite bonite dont nous coupons la tête pour attirer plus gros. Nous continuons à traîner la ligne quand soudain je vois une grosse forme à côté de nous, c’était nos amis les dauphins qui venait nous faire l’acte deux du spectacle, ça sautait de partout autour de l’annexe, on pouvait les toucher, quel animal magnifique, si rapide, habile et intelligent. J’aime à croire qu’ils nous ont reconnus et sont venus nous donner un coup  de main pour la pêche, car au moment de faire demi-tour pour rentrer, car le soleil se couchait, Karl crie, vite aide-moi, ça tire, je prends la ligne avec lui, effectivement, ça tirait beaucoup. On ramène la bête près de l’annexe… C’était un Barracuda d’au moins un mètre cinquante qui nous regardait la gueule ouverte nous montrant son affreuse dentition. Comment faire pour remonter ce monstre agressif à bord de l’annexe sans se faire arracher un morceau ?

Pendant que je le tenais au bout de la ligne, Karl essaye de l’assommer, en vain, il essaye de le prendre au crochet, mais celui-ci étant trop court, le Bara se retourne sur la main de Karl qu’il retire de justesse. On finit par lui donner des coups de couteau, puis il se décroche et coule à pic ! On parle souvent des histoires de pêcheurs, mais celle-ci, je vous jure qu’elle est vraie.

Le lendemain, Karl repart à la pêche avec Fred et Eric, il est à l’avant de l’annexe, il traîne, accrochée à son hameçon une petite roussette vivante, d’un seul coup, m’ont raconté les témoins, ils voient Karl devenir blanc, son coeur battait à 2000 à l’heure, un gros aileron de requin suivait sa ligne…

Notre manque d’expérience était grave, qu’auraient-ils fait ces trois pêcheurs du dimanche avec un gros requin au bout de la ligne ? Il fallait aller chercher un peu plus de compétences. L’homme clé était Chon Chon, il nous expliqua qu’il était bien plus facile de sortir un requin qu’un Barracuda, car le requin hors de l’eau ne peut pas mordre facilement car il doit prendre sa proie sur le côté et tourner. Le Barracuda lui ouvre grand sa gueule et croque ce qu’il peut, il est vif et agressif, très dur à tuer, ne s’assomme pas, il faut passer les doigts par les branchies et lui arracher le cœur après lui avoir fait boire plein d’eau en le traînant longtemps, nous explique le vieux pêcheur. Le requin, lui, se contente d’un bon coup sur la tête.

Nous retournerons pêcher, un peu plus rassurés…

Alain, le Pélican apprivoisé, vient chercher du poisson.

 

Margarita le 8 octobre.

Après une semaine sur la plage la plus populaire des Testigos, nous décidons d’aller mouiller proche du petit village de Tamarindo à côté de la dune de sable.

Nous sentions bien ce village, car la première fois que nous y sommes allés, pour acheter de la bière, ce qui se dégageait de ce lieu était superbe. Nous voulions approfondir en rencontrant les gens. Ce fut facile, car le lendemain matin, j’entends quelqu’un crier, je me dis, ils doivent appeler un pêcheur, et bien non, c’était bien nous que l’on appelait. Je monte donc dans l’annexe en direction de la cote où un homme brandissait une boîte en plastique en disant : « Son pescados para ti ! ». Nous venions de rencontrer Hernan. Il ajoute ensuite : « Viene a tomar una cerveza en nuestra casa » et c’est comme cela que la fête a commencé avec les habitants, les vrais des Testigos.

Hernan y Ciria ©Wapaye

Hernan et Ciria vivent dans une petite maison multicolore surplombant la mer, ils la construisent petit à petit depuis 8 ans car ils veulent un jour pouvoir faire table d’hôte et louer des chambres aux gens de passage, ce qui en soi est une très bonne idée car il n’y a rien aux Testigos. Ils vivent très simplement, récupèrent l’eau de pluie (il n’y a pas de source sur l’île), chargent une batterie récupérée sur un bateau avec un panneau solaire offert par un plaisancier de passage, pour alimenter un poste de radio, car la musique, c’est vital au Venezuela.

Leur voisin, Quevi, vit avec sa famille dans une cabane de tôle, je lui donnerai 2 batteries et un peu de mon temps pour bricoler avec lui car je m’aperçois, qu’en fait, notre bateau est un véritable atelier et que l’on peut aider facilement avec trois bouts de fils, deux cosses et une ampoule. Ne sachant pas comment me remercier, ils m’offrent un peu de farine de maïs cuite à l’eau en me promettant des langoustes à l’ouverture de la pêche (novembre).

Nous nous apercevons alors qu’en bougeant le bateau d’un demi mille, nous sommes dans un autre monde, un vrai monde, où l’on est reçu en ami.

 

 

Il y a eut quelques journées mémorables…

Nous décidons d’organiser un pique-nique à la dune, qui est en fait une immense plage dont le sable est soufflé, depuis des années à tel point que le sable redescend de l’autre côte de l’île.

Nous invitons trois autres bateaux, dont Wapaye, Hernan et Ciria, Florida, et d’autres amis du village.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quevi et son fils

Durant le repas, nous questionnons les pêcheurs car nous ne prenons pas assez de poissons, ils nous invitent le soir, à aller pêcher la « Bonita » dans leur barque. En une heure, on sort 28 poissons !!!

 

Hernan et Ciria nous proposent de venir à une fête, organisée pour nous, les autres bateaux et les amis du village, au programme, « Cabra » (chèvre sauvage) et « Lambis ». Le rendez-vous est donc pris, ils nous demandent si l’on veut aller avec Benjamin pour pêcher le Lambi, nous acceptons.

Nous partons donc à 10 milles au large, avec les pêcheurs plus deux autres amis qui ont aussi des bouteilles (le lambi se cache à 12 mètres de fond.

En pleine mer, il y a un haut fond, on est arrivé, tout le monde plonge. Après quelques plongées, nous n ‘avons plus d’air, nous sommes KO… Les pêcheurs eux, continuent en apnée sans ressentir la fatigue. Imaginez-nous avec tout notre matériel sophistiqué, les bouteilles, etc. Eux, avec palmes et masque et un coup de rhum, continuent à faire des allers-retours a 12 mètres remontant avec 4 lambis dans les mains ! Benjamin descend lui jusqu’à 24 mètres !

Au retour, dans la barque, commence  un autre travail, il faut faire un petit trou dans le coquillage, décoller le muscle avec un tournevis pour ensuite l’extraire de sa coquille. C’est un travail très dur que Karl a adoré ! Arrivés sur l’île en passant par Iguana afin de saluer les iguanes, nous pensons en avoir fini, et bien non, nous nous retrouvons à la plage pour nettoyer les bêtes !

Tout cela dans une superbe ambiance arrosée de bière.

Bref, ce fut tous les jours découvertes sur découvertes, les habitants des Testigos sont vraiment les plus gentils du monde, et nous avons du mal à partir.

Ils nous raconteront aussi que plusieurs fois des étrangers sont venus, dont une fois avec une vieille carte à la recherche d’un trésor qui est enfoui quelque part sur l’île. Ils ne sont pas restés car ils n’avaient pas d’autorisation. Plus tard d’autres ont essayé avec des détecteurs de métaux, en vain. Par contre, un bateau  a lui, réussit à sortir un trésor d’une épave à quelques milles du village, c’était un bateau vénézuélien dont ils ne purent s’approcher.

 

Hernan nous a expliqué qu’un dentiste québécois venait soigner les dents ici tous les ans, qu’il avait créé une fondation qui a financé un déssalinisateur d’eau qui sera installé à Iguana à la mi-octobre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Coucher de soleil sur Los Testigos

Nous devons partir pour Margarita, à contrecœur de ce village où se trouvent les gens les plus gentils du monde, ils n’ont rien et donnent tout.

Nous avons des problèmes de moteur, qui ne tourne pas rond, qui perd son eau à l’arrêt, le moteur du Guindeau s’est cassé en deux, il faut donc trouver quelqu’un qui soude l’aluminium.

Wapaye propose à Hernan et Ciria de venir avec eux afin de garder le bateau car il y a des vols (annexes surtout) à Margarita. Ils acceptent, heureux de rendre service et de gagner l’argent nécessaire à la construction des toilettes de leur maison. Nous partons donc, les deux bateaux avec un peu de Testigos avec nous.

Arrivé à Margarita, c’est l’euphorie ! Nous allons pouvoir manger de la viande ! La vie ici ne coûte presque rien. Quelques exemples :

Le kilo de filet mignon : 4 $

La bière dans un bar : 20 cts

Un taxi pour aller en ville : 1 $

Une place à la marina, incluant l’eau à gogo et l’électricité : 5,76$

Le litre de diesel : 0,02$

Le litre d’essence : 0,04$

Un repas au restaurant : A partir de 1 $

Le taux officiel du Bolivar est 1600 pour un dollar, seulement, sur le marché noir nous avons 2500 pour 1. Ce qui est plus difficile, c’est que nous n’avons pas beaucoup d’argent liquide et beaucoup de travaux à faire. Nous ferons appel à une personne qui a une affaire ici et un compte aux USA, bref, c’est le pays de la débrouille.

Nous ne ressentons pas de négatif, de violence sur cette île qui pourtant n’a pas toujours bonne réputation. C’est évident que nous suivons les conseils des habitants, à savoir, éviter certains quartiers de la ville, ne pas porter de bijoux, bref, la base en voyage.

En résumé, nous sommes bien contents de voir un peu de ville, de magasins, de bars. C’est la première fois que nous nous sentons riches avec 5 $ dans la poche !

Nous finissons les travaux sur le moteur, sortons le bateau pour refaire l’anti-foulling (peinture sous la ligne de flottaison qui évite d’avoir des algues et des coquillages) puis nous nous dirigerons vers Los roques si tout va bien.

 

Le 13 octobre

 

Nous sommes toujours à Margarita, il manque une pièce pour le guindeau qui normalement doit arriver demain, mais ici, mañana, qui signifie demain, veut aussi dire : un jour, bientôt…

Comme de toutes façons nous sommes bloqués ici, sans argent pour pouvoir payer et quitter la marina, nous en profitons pour connaître un peu plus cette île et surtout les gens. Nous sommes donc sortis dans les bars afin de connaître un peu la vie nocturne, nous avons rencontré des gars très sympas qui nous ont expliqué un peu la vie ici.

Darling, un de nos amis Vénézuelien nous dira qu’il gagne 100$ par mois, et les bons mois, puisqu’il touche des commissions sur la vente des vêtements, il peut faire 200$. Il paye 40$ de loyer par mois pour un studio meublé, incluant eau et électricité.

 

Le 16 octobre : Porlamar

Nous sortons le bateau demain pour travailler sur la coque, encore une autre aventure car, comme d’habitude, on y connaît rien… Heureusement que les marins sont encore un peu solidaires, car je n’ai aucune idée du travail à faire si ce n’est que c’est dur et encore pire en plein soleil. Le carénage semble être au milieu de nulle part, soleil, terre rouge, etc. …

 

 

Vendredi 17 octobre : Chacachacare

Nous nous levons à 7.00 heures, à 8.00, nous sommes prêts à partir. Comme prévu, Johnny arrive pour mesurer et faire le patron de notre bimini (partie en toile qui recouvre le cockpit pour nous protéger du soleil et de la pluie). 10.00 heures, on largue les amarres, 15h30, 23 milles plus loin, nous arrivons à Chacachacare où se trouve le carénage. Malheureusement, Philippe, le propriétaire des lieux, nous dit que les ouvriers arrêtent à 15h30 le vendredi et ne reprennent que le lundi… Nous sommes en pays latin, on discute un peu, il nous dit OK pour le lendemain 10h00.

Samedi 18 octobre.

Les seules fois que nous avons dû entrer dans une darse (quai en U qui permet à la grue, le « Travelift », de sortir le bateau de l’eau avec deux sangles), c’était au Marin, en Martinique, et il y a même une fois où je me suis retrouvé seul à faire l’approche car Karl vendait des beignets sur la plage, puis seul à sauter ayant à peu près stabilisé le bateau, pour m’amarrer à un demi-taquet rouillé. J’angoisse donc un peu, mais pas trop, car Karl est là prêt à sauter, gaffe à la main.

Nous approchons à 2 nœuds de la darse et je commence à voir deux personnes courir, je me dis, ils doivent avoir un problème… Et bien non, ils courraient vers la darse pour nous accueillir, nous approchons donc, puis 4 autres arrivent, puis encore 3. Bref, j’aurai pu être bourré et je serais entré dans la darse !

Moby Dick I quitte son élément, il goutte et ses gouttes sont comme des larmes de joie, il sait qu’il va se faire chouchouter, se faire gratter le ventre, se faire peindre, il sait qu’il aura le droit de demander ce qu’il veut, que c’est le moment de casser ce qui se doit être cassé. Il est heureux, la seule chose qui le fait un peu angoisser, c’est l’air et l’altitude, il n’est pas le seul… Le fait de le voir monter me stresse un peu !

Tout se passe bien, pour nous faire relaxer, un petit gars nous apporte une bière… Ah le Venez et le service !

La fourmilière s’affère à caler le bateau, on se branche sur le 220 Volts et à l’eau et nous voilà prêts à travailler.

Après la première journée de carénage de notre vie, à gratter, laver, brosser, nous nous offrons, à 21h30 (ce qui est tard pour nous J ) un filet mignon au barbecue. Nous tombons de fatigue dans la cabine qui ce soir, ne bougera pas… (J’espère !).

Dormir à terre sur un bateau est une drôle d’expérience, tous les bruits, ou plutôt, les silences sont inquiétants et nous réveillent. Plus de pipi-caca dans nos toilettes la nuit, car non seulement la chasse d’eau ne fonctionne plus, mais on court le risque de travailler dans une fosse septique !

Tout est étrange dans un bateau à terre, nous ne connaissions pas, il fallait essayer !

Moby Dick I adore cela, il se fait frotter le ventre, on lui enlève ses coquillages, ses huîtres, il en avait besoin, nous le sentons heureux.

 

Dimanche 19 octobre : La journée des surprises…

On gratte la peinture, puis on s’aperçoit qu’il y a des petites bulles d’eau, ce n’est pas de l’osmose (maladie de la fibre), mais il faut les ouvrir, sécher et prévoir un rebouchage à l’époxy.

Je gratte l’hélice jusqu’au métal, la fait tourner et m’aperçois qu’elle vibre… Notre voisin de carénage, Jean-Pierre, m’explique que la bague Hydrolube (joint de caoutchouc) doit être changée. Je me bats comme un fou pour sortir l’arbre d’hélice en vain…

J’aime bien les surprises, mais là, pour des néophytes, c’est un peu trop !

Nous avons donc travaillé toute la semaine sur le bateau.

 

Nous sommes ce soir samedi 25, nous sommes toujours au chantier.

Je prends la plume à cette heure tardive pour vous compter la soirée d’hier, vendredi.

Nous invitons un couple de Canadiens à bord pour un petit apéro (à la différence d’un apéro normal qui dure une bonne partie de la soirée, où l’on soupe à l’amuse gueule !). Nous soupons (filet mignon, comme d’habitude, car c’est plus économique que les boîtes et les pâtes), puis nous décidons d’aller voir ce qui se passe dans le « pueblo » (village).

Nous sortons donc du Varadero (carénage en espagnol) et demandons au gardien d’où vient la musique et si ce n’est pas dangereux. Il nous explique que ce n’est pas très prudent, que les gens cassent des bouteilles et se battent (je crois qu’il n’avait pas envie de nous attendre, mais de dormir…) Il nous demande à quelle heure nous comptons rentrer, comme nous vivons sans cet élément, sa question fut sans réponse. Il insista sur l’avant minuit (une vraie mère pour nous !).

Nous arrivons donc au dépanneur du coin qui fait bar de rue, il y  a une bonne vingtaine de personnes qui boivent de la bière, je retrouve « Supertan », le pilier de comptoir du coin (même s’il n’y a pas de comptoir !) qui nous accueille, on offre la tournée (à 12 cents la bière, on peut encore !) à ses trois amis, puis on discute. Les heures passent ainsi, assis sur le trottoir à parler de tout et de rien, sans oublier la politique, le bateau et les pirates. Je parle d’arme, il m’explique, qu’avec 30$, j’ai un 12… Qu’il peut avoir tout ce qu’il faut pour les îles les plus dangereuses, de l’arme de poing au bazooka. Les bières passent, le dépanneur ferme.

Nous nous dirigeons donc, un peu éméchés, vers une petite maison où une abuela (grand-mère) est assise devant la porte. On s’assoit sur la terrasse d’à côté, les bières arrivent. La lumière s’allume nous laissant découvrir un « pseudo-bar » avec Oh miracle, deux tables de billard (OK il n’y avait pas toutes les boules et les règles ne sont pas les mêmes…). Karl va donc jouer, moi, comme d’habitude, je parle au bar.

Nous parlons encore d’armes, puis un gars me propose de transporter de la cocaïne vers Grenade, il me montre le volume en le comparant aux caisses de bières en me disant que cela représente 500.000,00 $. Beaucoup de sous, mais aussi beaucoup de risques, pour nous c’est hors de question, on ne touche pas à cela. Je lui dis ni oui, ni non, bien au contraire, je n’ai pas envie de contrarier monsieur !

Nous étions tombés, dans un milieu très sympa et accueillant qui offrait des options. Le refus  futur ne changea en rien nos relations de fête !

Nous rentrons en zigzaguant au carénage vers minuit. Nous appelons le gardien « Marin, Marin… »  Pas de réponse, il doit dormir. Je décide donc d’escalader la porte, Karl se cache pour ne pas se faire tirer dessus si le gardien se réveille. J’entre, le rencontre (baillant) et lui explique qu’on l’appelait, il me dit qu’il est tard, qu’il n’a rien entendu (il devait dormir), et que d’entrer comme cela, il avait faillit me tirer dessus. Je lui explique qu’en me tuant, il aurait commis une grave erreur qui lui aurait coûté plus que son travail !

Nous nous couchons sur Moby Dick, Karl a un drôle de mal de mer à terre !!!

 

Aujourd’hui, c’est dimanche, jour de repos.

Nous louons une barque de pêcheurs, aménagée pour les touristes avec un guide afin de découvrir la mangrove…

Nous partons à 9h00 pour une magnifique ballade dans un labyrinthe de canaux formés par les arbres, puis passons 3 heures à pêcher notre souper constitué de « guacucos »  (petites palourdes, clams) sur une belle plage de 28 km ! .

Les 4 ans de Cookie !

Ce soir nous recevons notre « mecanico » Miguel et sa femme à souper !

Nous sommes aujourd’hui enfin à l’eau, Moby Dick I est content, nous aussi. Nous avons juste dû revenir dans la darse pour la nuit, car il y a trop de houle.

Nous devons attendre encore un moment, car pour payer le carénage, nous avons fait un virement qui tarde à arriver, nous en profitons pour aller sur le net à Porlamar et visiter un peu le coin. Nous décidons d’aller mouiller au début de la mangrove dans une petite baie bien abritée de palétuviers. Nous visitons le célèbre musée de la mer (museo del mar), rencontrons encore quelques Vénézuéliens sympas, puis, le virement étant enfin arrivé, nous payons nos factures puis appareillons pour Tortuga le vendredi 7 novembre (d’ailleurs, il paraît qu’il neige chez nous !). Le réveil était réglé à 3h00, mais, comme celui-ci n’est plus habitué de travailler si tôt, nous nous sommes levés à 4h20… C’est vrai que la veille, pour notre dernière soirée, nous sommes allés au village, où une petite maison offrait les hamburguesas à 1500 Bs soit 0,60 $, (le hamburguesa especial est un super hamburger avec œuf, bœuf, jambon, fromage, salade, tomates, etc.) ainsi que de la bonne bière locale à 250 Bs, soit 0,10 $ la bouteille. On a un peu, peut-être trop abusé (du hamburguesa bien sur !) et le réveil s’est vengé.

Moby Dick était fin prêt, nous avions hâte de tester nos réparations, notre anti-foulling.

 

 

Nous voilà donc à Tortuga où nous retrouvons Wapaye et Celeste pour faire une grande fête de retrouvailles autour d’un plat de pâtes à la langouste.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

Playa Caldera

 

Les Pêcheurs

 

Playa Caldera

Cayo Herradura

 

Pas de cocotiers et pas de parasol…

 

Lever du soleil au départ de Margarita


 

Faisons une petite pause dans l’histoire de nos aventures et parlons un peu de la vie à bord, de l’organisation du bateau, bref, de notre quotidien. On pourrait croire que nous ne faisons qu’entretenir notre bronzage à l’ombre des cocotiers (y’en a pas ici d’ailleurs, il n’y a que des cactus !) ou de la plongée. En fait la vie à bord représente beaucoup de travail (en moyenne 2 heures par jour quand tout va bien) et beaucoup d’organisation pour gérer au mieux notre survie et notre confort. Nous aborderons ici quelques points importants.

 

L’eau douce :

La mer, comme tout le monde le sait, c’est de l’eau salée L Il n’est pas question de la boire, si ce n’est que quelque temps, en dose homéopathique en cas de survie uniquement. L’eau douce à bord est donc très précieuse. Nous utilisons l’eau de mer pour cuisiner (pâtes, riz, légumes, sans ajouter de sel J ), pour nous laver, faire la vaisselle. Nous rinçons ensuite corps et assiettes avec le minimum d’eau douce (toilette pour 2 = moins de 5 litres, soit une demie chasse d’eau de maison !). Nous trouvons l’eau douce à terre (robinets, sources, achat aux stations services lors du plein de diesel) ou nous la faisons grâce à notre dessalinisateur d’eau de mer qui produit 5 litres à l’heure (mais qui consomme aussi 2 Ampères).

La cuisine, la nourriture :

Prenant toujours le temps de bien manger, et aimant aussi cuisiner, nous passons du temps à préparer les repas, si possible quand le lieu et le moment le permettent, avec des produits frais locaux. Nous essayons tout ce que nous trouvons. Aux Testigos nous avons mangé des lambis (gros coquillage que l’on voit souvent servir de corne de brume dans les films), à Boca del Rio, des guacucos (coquillage genre palourde, clam) que nous ramassons  à pleines poignées dans le salble de Playa Restinga, à Porlamar, du lomito (filet mignon), à Tortuga, de la langouste, etc. Nous pêchons aussi à la traîne en naviguant, entre Margarita et Tortuga par exemple, nous avons attrapé une dorade coryphène et un barracuda. Nous aimons bien préparer le poisson, entre autre de la façon suivante (là on commence à livrer les secrets…) :

Découper les filets, les faire mariner 2 heures dans un mélange de vinaigre blanc, jus de citron vert, oignon, ail, piment local, et pas mal de sel. Égoutter ensuite les filets et les sécher à l’aide d’un papier essuie-tout, les rouler dans la farine, puis les faire frire à la poêle dans de l’huile de tournesol, c’est super !

Nous mangeons aussi le poisson cru en Sushi, ceviche, au citron, ou à la coco. Nous essayons au maximum d’économiser nos boîtes de conserves pour les garder en cas de nécessité (île déserte, mauvaise pêche, etc.).

Dans les petites îles de pêcheurs, nous troquons aussi beaucoup, car n’ayant pas de magasins, ils préfèrent échanger poissons ou langoustes contre, rhum, huile, farine ou piles électriques.

Nous faisons notre pain que nous cuisons dans un four palestinien (genre moule à baba au rhum fermé qui se pose sur le réchaud à gaz) car nous n’avons pas de four classique à bord.

Les fruits, les légumes, les œufs, sont dans des filets suspendus au plafond, pour qu’ils soient bien aérés et ne se cognent pas en navigation. Quand nous faisons les « appros » (approvisionnements), tout ce qui est boîte en carton est banni et reste à terre ou dans l’annexe car ils peuvent transporter des œufs de cafard tout frais ! Nous rinçons également les cannettes de bière à l’eau de mer pour les mêmes raisons.

Les ordures : Il faut trier, ranger compacter, etc.

Tout ce qui est reste de viande ou de poissons va à Cookie ou à la mer à la fin du repas. Tout ce qui est bio-dégradable (pelures, boîtes de conserves, bouteilles, cannettes) sera jeté en mer pour ne pas salir le mouillage ou la plage. On prendra soin de casser ou remplir les bouteilles, percer les cannettes, pour que tout cela coule et finisse en abris pour petits poissons. Pour ce qui est du reste (plastique, etc.), il n’y a que deux solutions; attendre une poubelle à terre et conserver ses ordures attachées derrière (ce n’est pas très beau lorsque l’on reçoit des amis…) ou dans le puits d’ancre; ou d’aller les brûler sur une île en prenant soin de ramener ce qui n’a pas brûlé. Une brique de lait est composée de plastique, carton et aluminium. L’aluminium retournera à bord pour être jeté en mer. En gérant bien les poubelles comme nous le faisons, nous n’en transportons pas deux tonnes et attendons la plupart du temps le moment de l’escale en ville pour les jeter.

La santé à bord :

Nous avons une pharmacie de bord assez complète permettant de recoudre une plaie, de soigner à l’aide d’antibiotiques, de calmer les grosses douleurs. Nous avons des produits comme de l’adrénaline, de la codéine, etc. Mais aussi des dolipranes (tylenol), et divers pansements et pommades pour les « ti-bobos ». Justement, parlons un peu de ces fameux « ti-bobos ». A terre, une coupure, une écorchure cicatrise très vite, à bord, c’est une autre histoire… Le « ti-bobos » aura tendance à se creuser, à s’infecter si on agit comme à terre. Il faut, après la baignade, le rincer à l’eau douce, puis au jus de citron, car l’acide qu’il contient dissout le calcaire des particules de corail qui se trouvent dans l’eau, dans lesquels doivent s’abriter, je ne sais quels micro-organismes responsables de l’infection. Ensuite nous appliquons de l’homéoplasmine. Si avec toutes ces précautions, le « ti-bobos » s’infecte tentant vers le « gros-bobos », il faut bien désinfecter à la bétadine, puis appliquer une pommade anti biotique genre Bactroban (Québec) ou Auréomicine (France). Nous traitons les brûlures du soleil (ça, c’était au début J ) avec des yaourts (yogourt) et de la Biafine.

Il est important d’éviter de se déshydrater sous les tropiques, il faut penser à boire souvent (on compte 2 litres d’eau par jour et par personne et ce n’est pas trop) et pas trop glacé non plus (cela donne la diarrhée qui, elle, déshydrate !). Si on sent une petite brûlure en urinant, c’est un signe de déshydratation, il faut vite boire.

Le mal de mer… Ben on ne l’a pas ! Il faut savoir quand même qu’après un séjour prolongé à terre (moi, j’ai le mal de terre, et c’est pire quand tout bouge dans les magasins ou au restaurant…) nous devons nous amariner, ce qui signifie que si le premier jour de bateau c’est 12 heures de tempêtes, on sera peut-être malades. Les visiteurs qui arrivent avec tellement la trouille du mal de mer qu’ils l’auront. Quelqu’un qui se dit avoir le mal de mer va se le déclencher. Il y a beaucoup de blocage psychologique dans cette histoire. Bref, pour les irréductibles du vomi, voici quelques trucs…

Premièrement, il est bon de s’amariner tranquillement, au mouillage, avec de petites navigations les premiers jours, si cela ne va pas, il faut s’allonger dans le sens longitudinal du bateau, à 1/3 de l’arrière, le plus bas possible. Barrer, aider aux manœuvres est le meilleur médicament qui marche à 100% quand les gens peuvent encore marcher… Côté médicaments, ce qui fonctionne le mieux est le petit collant que l’on applique derrière l’oreille.

Au sujet des maladies, virus, etc. A priori, tant que l’on est sur le bateau, qui est en fait un milieu plus ou moins stérile, il n’y a presque pas de risques. Le risque commence lorsque l’on descend à terre, car bien évidemment nous perdons nos défenses à bord et nous nous faisons bombarder de microbes à terre. Nous avons attrapé un méga-rhume à Margarita, entre autre à cause de la climatisation. Nous n’irons pas jusqu’à demander un certificat médical de bonne santé à nos visiteurs, mais essayez d’arriver en forme !

Civisme marin :

Il y a des règles s’appliquant à notre petite communauté de plaisanciers. C’est important de les connaître pour éviter les gaffes… Lorsque nous arrivons à un mouillage, nous aimons rencontrer du monde. Lorsque l’on approche d’un autre bateau avec l’annexe, on commence à parler de l’annexe, si le capitaine le souhaite, il vous invitera à monter à son bord. On ne monte jamais sans l’autorisation du capitaine à bord d’un bateau, c’est la règle, au même titre que les gens sonnent à la porte avant de rentrer. Lorsque l’on pêche beaucoup, on ne va pas tout manger, on partage donc avec les autres bateaux. Nous nous échangeons des services en général, rares sont ceux qui facturent… Par exemple, un copain de mouillage est venu faire de la mécanique, car je ne suis pas très fort dans ce domaine (mais je m’améliore à force de tomber en panne !) et la semaine suivante je suis venu arranger son PC. En général l’ambiance est bonne dans les mouillages, nous vivons les mêmes passions et les mêmes galères…

Les pirates :

L’éternel question : « Faut-il avoir une arme à bord ? » ou encore lorsque l’on parle à des terriens : « En avez vous rencontrés, n’avez vous pas peur ? »

Pour ce qui est de la question de l’arme, je dirais que d’une façon générale, elle peut plus nuire à notre vie qu’autre chose. Les vrais « méchants » ne s’arment pas de lance-pierres, ils sont équipés et savent tirer, le simple fait de sortir l’arme (si on en a le temps) réduirait à néant les chances de survies. Dans la plupart des cas d’attaques, les « pirates » sont repartis avec l’argent, de l’alcool, des cigarettes, de l’électronique, etc. La plupart du temps, l’arme menaçait, et la crosse frappait. Les cas d’assassinats sont rares.

Si on a une arme, on aura tendance à s’en servir, et il faudra tirer avant d’être abordé, au risque de tirer sur des pêcheurs qui viennent demander de l’aide ou offrir du poisson… Alors une arme oui ? Peut-être, mais il faut savoir gérer, et l’enfermer bien au fond dans certains pays ou les pirates n’attaquent pas à la machette et surtout ne jamais oublier de la déclarer à chaque fois… Bref, pour moi c’est une galère de plus, nous n’en achèterons pas…

Pour ce qui est de la peur, et bien, nous y pensons et prenons nos dispositions autrement, par exemple en voyageant à deux bateaux, en évitant les mouillages où l’on est seul, etc. Pour le moment, je ne connais pas personnellement quelqu’un qui a vécu une attaque, je connais les histoires que tout le monde se raconte. Tenez, voici un exemple d’une attaque qui s’est passée à Porlamar il y a deux semaines. Nous apprenons qu’un allemand s’est fait attaquer par des hommes armés, rué de coups, que les criminels ont pris son argent. C’est la version qui circulait… Trois jours plus tard, nous apprenons de sources plus sûres, que l’Allemand en question ramassait de très très jeunes filles sur la plage pour les emmener jouer à bord à je ne sais quel autre jeu… Et bien ces filles, elles avaient des papas et des grands frères !

Les familles qui voyagent :

Beaucoup de nos amis ont des enfants à bord, il faut donc qu’ils soient scolarisés afin de ne pas être en retard lors de leur retour à terre, ou tout simplement s’ils décident en grandissant de faire de hautes études ou de vivre à terre.

Pour les Français, il y a un système extraordinaire qui s’appelle le CNED, qui envoie des cours par correspondance, adapté aux gens qui voyagent partout dans le monde. Les enfants ont même un niveau supérieur à leur retour. Ils connaissent en plus la géographie, les langues, la mécanique, savent faire un point, etc. En parlant avec les parents, on s’aperçoit que ce n’est pas un problème. En général un des parents assure le suivi en français et l’autre en maths et en science. L’école à bord, c’est en général trois heures le matin. Pour les familles des autres nationalités, il faut se préparer, demander les programmes, les supports de cours, acheter quelques livres. C’est plus de préparation, mais tout aussi valable.

Les communications :

Dans notre cas, nous communiquons par email ou téléphone lorsque nous allons à terre. Les cellulaires passent bien dans les Caraïbes, mais il faut soit un abonnement mondial (= des frais tous les mois) soit ouvrir un compte, que l’on recharge avec une carte, quand on est longtemps dans un pays (bien moins cher).

Pour envoyer les emails depuis leur bord, certains utilisent la BLU (radio amateur) qui a l’avantage de ne rien coûter en abonnement et en communications, il faut néanmoins acheter le matériel qui est loin d’être donné.

Avec plus de moyens, il y a le système Inmarsat, qui est accessible pour des sommes raisonnables et qui permet d’envoyer emails et fax par satellite, ou encore le téléphone Iridium, à mon sens ce qui se fait de mieux, qui permet d’aller sur le net, d’envoyer des SMS, des emails et bien sûr d’appeler de partout dans le monde. Seulement à 1-1,5 $ la minute, il faut y penser à deux fois, de plus que les amis évitent de vous appeler ou ne le font qu’une fois à 8 Euros la minute…

Les pannes, les réparations :

La loi de Murphy : « Si un appareil peut tomber en panne, si un objet peut trahir, un accessoire cesser de remplir sa fonction, il le fera, et de préférence au moment le plus ennuyeux »

On est tombé en panne de moteur en pleine manœuvre en sortant d’un port, le déssalinisateur a arrêté de faire son travail au milieu de nulle part, etc.

J’aime bien aussi le principe d’Antoine (le chanteur, navigateur) : « Toute mécanique, principalement nautique, même la plus simple, connaît un état normal, naturel, stable appelé « état de panne ». On peut dans certains cas, au prix d’efforts constants, et pour une durée toujours limitée, la maintenir dans un état anormal et parfaitement instable, appelé « état de marche » 

Nous n’allons pas nous plaindre quand même, c’est vrai que le guindeau a lâché aux Testigos, la pompe à eau à Margarita, mais bon, touchons du bois, d’une façon générale, Moby Dick se comporte bien, nous n’avons pas de graves galères. Nous en prenons soin aussi, respectons le moment de la vidange, du changement des divers filtres. Il y a  quatre coffres dans le carré (pièce principale), le premier est la réserve de nourriture, les trois autres sont des pièces et des outils…

J’ai bien travaillé à vous compter notre quotidien en cette chaude journée du 16 novembre 2003, mouillé à Cayo Herradura, Tortuga. Il est 16h15, je ferme le PC pour aller plonger du haut du bout dehors !

 

Ça, c’est nous…

 

Le 29 janvier : Los Testigos

 

J’ai un peu laissé tombé le journal, et cela non pas par paresse ou désintéressement des lecteurs assidus qui attendent la suite, mais parce que l’aventure n’en est presque que plus une, je m’explique… La vie que nous menons depuis plus de quatre ans, dont un an et demi sur les flots me paraît, jour après jour, devenir le quotidien, comme quelque chose de banal, ordinaire (certains lecteurs, via le net nous relancent pour avoir la suite d’EKC news, et cela nous motive à écrire). Nous avons eu dernièrement des proches au téléphone, pensant attendre des questions comme, « où êtes vous ? », « Que faites-vous ? », nous n’avons eu que de brèves nouvelles de la voiture qu’ils prévoyaient d’acheter, du nouveau sofa… Nous  nous trouvions si loin de cela, l’aventure semblait ne plus exister. Cette conversation a provoqué en nous un tas de réflexions, a mis une barrière entre un certain monde et nous (le monde des « Pas rêveurs… » )

 Nous sommes aux Testigos, cet archipel dont je vous ai déjà parlé, le paradis humain. Nous vivons ici et faisons partie intégrante du décor, nous y avons nos amis, nos habitudes, mais aussi nos devoirs (que nous nous sommes imposés), nos rêves, nos projets. Cala fait près de 5 mois que nous sommes au Venezuela avec comme « quartier général », « Playa Ingles », aux Testigos, nous pourrions aisément dire que ces années de voyages étaient là pour nous conduire ici, car il y a tout ce que j’ai longtemps cherché, tant au niveau humain qu’à d’autres niveaux. Au fond notre cœur s’arrête un peu ici, mais la vie continuant, les expériences se multipliant, il fallait bien, avec ma manie de tout vous raconter, que je me mette un peu le soir, à la lueur de la lampe à pétrole, tranquillement assis dans le cockpit qui se balance lentement au grés des vagues, Cookie couchée à côté de moi me regardant emplir des pages blanches, ponctuant chaque phrase d’une petite gorgée d’un bon vieux rhum des Antilles, un peu au travail afin de vous donner quelques nouvelles de notre drôle de vie.

Je n’ai ni jambe de bois, ni bandeau sur l’œil gauche et Cookie n’est pas un perroquet, mais je me sens de plus en plus marin… Je découvre une grande autoroute qui me même à vous les humains, une grande route, La Mer…

 

Après deux semaines passées à visiter Tortuga, qui est en fait une magnifique île quasi-déserte, bordée de fonds bleu turquoise, nous sommes revenus à Margarita pour 3 semaines histoire de faire le plein de nourriture, gasoil, discothèques et de civilisation. Noël  approche, c’est le temps d’aller faire les boutiques, nous nous donnons un budget de 20$ (énorme pour nous…) pour les cadeaux, et bien j’en ai reçu 10 ! Pantalons, chemises, tee-shirts, etc. Plein de paquets emballés dans des revues de bateaux, noués avec de la garcette (corde marine), notre sapin, c’est Karl qui l’a fabriqué avec 2-3 feuilles de papier et un peu de peinture verte, nous avons investi dans 2 guirlandes électriques (qui ont bouffé toutes les batteries…), nous avons sortis le fois gras que ma mère nous avait offert il y a un an et que nous gardions pour ce moment, une bouteille de Juranson reçue lors de la visite d’amis il y a 6 mois, et voilà, la banquette sur laquelle trônait le petit sapin de papier était pleine de bonnes choses désirables qui attendaient Noël. Je crois que c’est vers le 20 décembre que nous avons fait route vers les Testigos où nous étions attendus pour les fêtes, là, nous étions sûrs de retrouver chez Hernan et Ciria un peu de l’esprit de famille qui manque à tout voyageur entre le 24  et le 31  décembre. Nous n’avons pas été déçus… Le 24 nous sommes allés fêter Noël à Iguana, l’île en face, il y avait une fête organisée par la famille voisine de la maman de Ciria. La fille de la maison avait eut ses 15 ans dans l’année, et selon la tradition, la veille de Noël de ses 15 ans devait être fêtée en grand par le biais d’un rituel de passage à l’âge adulte. Nous sommes entrés dans la cour arrière de la maison où déjà beaucoup de personnes étaient réunies, après les bonjours de rigueur, je me suis attardé sur le décor. Au centre de la terrasse, collé à la maison, un énorme gâteau rose, genre de communion ou de mariage, sur mur le chiffre 15 en rose, et devant tout cela, une chaise vide, décorée de tulle et de fleurs roses. J’avais bien hâte de savoir ce qui allait se passer. La bière coulait à flot… Ici, c’est un signe. Lorsque quelqu’un reçoit, la taille de la réception, la véracité avec la quelle on parlera de la fête dépendra du nombre de caisses bues. Par exemple, les voisins ont fait une super fête l’an passé dont tout le monde se souvient, ils ont offert 50 caisses (de 24) bières. C’est un signe de richesse de pouvoir offrir autant à ses invités (même s’il faut économiser 6 mois…). La fête bat donc sont plein, nous dansons, invités par les « chicas », tout est superbe. A un moment, la musique change, tout le monde se met sur le côté, la fille apparaît vêtue d’une robe du soir rose digne d’une mariée, s’assoit sur la chaise décorée. C’est le moment des témoignages des parrains, marraines, frères, sœur et pour finir des parents, qui, entrecoupés de quelques sanglots d’émotions témoignent à leur fille leur Amour, lui disant qu’elle est désormais une femme qui doit faire sa vie, choisir son chemin d’adulte. Deux sandales sont apportées sur un plateau, la première est prise par le parrain qui la porte au pied de sa filleule. La deuxième,  c’est le Papa, qui les yeux remplis de larmes la porte à l’autre pied de sa fille, comme pour dire : « Ma chérie, je te donne cette sandale pour avancer sur le chemin de la vie… ». La cérémonie terminée, la musique et la danse reprennent, tandis que la jeune fille passe avec des plateaux de nourriture dans la foule, se faisant féliciter au passage. A minuit, tout le monde se réunit autour du gâteau pour chanter « Compleaño Feliz ! » (Joyeux anniversaire). Voilà, c’était notre Noël, sans sapin ni neige, mais des cocotiers, du sable, de la fête, et encore une nouvelle expérience.

Le 28 décembre, une autre fête devait battre son plein, mais cette fois, chez nous, je veux dire chez notre famille adoptive de « playa Ingles », qui est une petite plage où habitent nos amis, Hernan et Ciria, un peu isolée du village de Tamarindo (voir carte), bien évidemment sans eau et sans électricité. Cette fête, c’est l’anniversaire d’Hernan, et en même temps un peu l’inauguration de la maison (et du plancher de béton que nous avons terminé le 24 ! ). Ils ont économisé beaucoup pour acheter de la bière et recevoir tout le monde. Un jour, alors qu’ils prenaient l’apéro à bord, Hernan me demande si mes guirlandes fonctionnent sur le 12 Volts, je lui réponds que j’ai un convertisseur 12-110 Volts, et la, je clique…

Je sentais qu’il aurait bien aimé avoir cela pour sa fête… Je lui propose donc de prendre le groupe électrogène de Celeste, mon transformateur, mes ampoules 110 et 220 Volts, la chaîne stéréo de Karl. Les yeux pétillants, il accepte. Nous avons donc tout mis en place ensemble la veille, ce fut encore une grande fête que je ne conterais pas en détails.

Ciria et Hernan

 

Le 31 fut encore une autre expérience, nous nous attendions à une grande fête avec des dizaines de personnes… Non, le 31, c’est familial, donc chez Hernan et Ciria. C’est le jour de l’année où l’on mange du cochon, c’est le soir de l’année où l’on doit sortir de table le ventre à terre… Ce fut chose faite. A 00.00 heure tout le monde lance  des pétards et des fusées pour se faire remarquer, nous n’en avions pas, j’ai donc craché du feu face à la mer à 00.01 heure, à 00.45 heure, nous dormions.

Les deux premières semaines de janvier furent une suite d’anniversaires et de fêtes diverses.

Si la fête est importante, il faut un cabri.

 

Je parle de fêtes de soir, mais ne parle plus beaucoup du jour, car le jour existe aussi ici, et il commence avec le soleil… Hernan est pêcheur, il a une douzaine de séries de 6 casiers pour la pêche à la langouste et aux poissons de fond. Durant le temps des fêtes, son marinero (marin) rentre dans sa famille, il a donc besoin d’aide. Je propose à Éric de Celeste d’aller l’aider à relever ses casiers. J’avais toujours rêvé d’aller à la pêche avec de vrais pêcheurs, remonter de pleins casiers de langoustes, prendre de belles couleurs en mer en faisant un peu d’exercices. Ouais… La première fois j’ai travaillé à remonter les casiers de 7.00 à 11.00 heures, le soir je me suis couché à 20.00 heures K.O. et j’ai râlé le lendemain à cause de méchantes courbatures dans les avant-bras. Soit, c’était la première fois, maintenant que j’y vais régulièrement, je prends ma place, sais quoi faire, maîtrise tout le «  vocabulaire du petit pêcheur » illustré, en un volume. Aller relever les « nasas » ne me pose plus de soucis. Je le fais pour aider et non pour un salaire en argent qui serait insignifiant pour nous, mais accepte volontiers, pour mon plaisir et celui d’Hernan, les 2-3 langoustes quotidiennes en plus de la bonne soupe de poisson toute prête lorsque l’on rentre de la pêche.

Nous sommes bien ici, nous avons nos petites habitudes, comme la pêche le matin pour moi, le ramassage des bouteilles de plastique sur la plage de la Dune pour Karl et nos amies qui fini le soir par un grand feu de joibelle (feu de joie de poubelles), la pêche à la traîne en annexe vers 17.00, bref nous vivons de rien au rythme de la nature et de la mer.

 

 


Vue de la plage d’Hernan et Ciria

  

Un copain sympa !                                     La Dune


Cookie pendant son quart.

Cookie après son quart.

Cookie touche terre.


Je suis revenu d’une expédition en Martinique hier.

Nous avions besoin d’un filtre à gasoil pour le bateau et celui-ci, malgré nos recherches à Margarita, les recherches du papa d’Hernan à Carupano (ville du continent) reste  introuvable. Je décide donc de partir en Martinique l’acheter sur la Lancha  (bateau de pêche traditionnel Vénézuélien) de nos amis québécois qui vivent ici sur leur voilier « Paulu ». J’embarque donc vers midi, je suis accueilli en ami avec tout de suite un petit café. Nous chargeons les langoustes officielles, c’est à dire celles d’un kilo et plus sous la surveillance des gardes côte. Nous disons au revoir puis nous nous dirigeons avec nos 130 Kg de langoustes vers une île un peu isolée de l’archipel. A peine l’ancre mouillée, une douzaine de peñero (barque de pêche) arrivent lourdement chargées pour vendre leurs langoustes non officielles, qui, entre-nous soit dit, sont bien meilleures que les grosses et donc plus en demande en Martinique. Nous passons donc la cargaison des précieuses bêtes de 130 à 1500 Kg ! Et c’est donc parti pour 30 heures de mer, c’est ma première expérience sur une lancha. Ce fut superbe, des gens adorables, toujours le sourire, toujours une blague, toujours à proposer à manger, du coke, du café, etc. En route un tuyau d’une pompe s’est cassé et l’eau est entrée dans la cale moteur, et c’est encore avec le sourire et beaucoup d’efficacité que nous avons écopé avec des seaux pendant que le mécanicien reparaît les pieds dans l’eau. Nous avons  remorqué deux fois une lancha qui avait des problèmes de pompe de refroidissement et d’alternateur. En mer l’aide et la solidarité sont obligatoires et cela est la règle pour tout ce qui flotte, que ce soit des plaisanciers ou des professionnels de la mer.

30 heures plus tard et 200 et quelque milles plus loin, la « Doña Gladys » touchait les cotes de la Martinique. Je passerais sur les détails qui vous feraient peine, car je me suis interdit de raconter les choses négatives dans ce journal, sur la façon dont les autorités françaises traitent les Vénézuéliens, mais cela aussi a été une expérience forte en émotions. J’ai fait les courses puis suis revenu le lendemain sur la « Chimborazon » dont l’ambiance, bien que sympa ne valait que le quart de mes 30 heures passées sur la « Doña Gladys »

 

La « Doña Gladys » et son équipe.

 

Avez vous remarqué que durant ces 15 mois de ballade en bateau, les peut-être 8000 Km parcourus, le premier endroit où nous avons vraiment été reçus, c’est ici, la première bière offerte d’un inconnu voulant simplement nous rencontrer, nous connaître, partager notre histoire sans autre attente, c’est ici. Nous avons adoré les autres îles, mais, et tous les bateaux vous le diront, c’est ici que c’est encore vrai, c’est ici que la vie ne pèse pas, qu’elle est simple et sans artifices, et je crois que c’est ici que beaucoup de marins, de routards et de baroudeurs ont eu un jour envie de s’arrêter.

En route vers Margarita avec Servus.

 

Le 16 janvier 2004 : Margarita 

 

Nous sommes revenus à Porlamar depuis une semaine car nous avons enfin de la visite ! Simon et Sabrina, nos amis de Prévost, arrivent de Montréal le 22. Nous avons bien hâte et devons préparer leur venue. Cela fait un an et demi que nous n’avons vu personne de nos amis terriens, nous attendons donc ce moment avec impatience. Nous devons réparer une pièce du moteur, faire les courses, etc. afin que leur semaine soit parfaite. Au programme : Sabrina doit se baigner avec les dauphins (je lui avais proposé les requins car c’est moins cher, en vain) un peu de magasinage à Porlamar, puis route vers les Testigos. Je viens de leur envoyer une liste de choses à amener… Elle est longue, il faut savoir que le matériel s’use vite en mer et que tout ce qui est importé est très cher. Nous avons profité de ce passage à Margarita pour aller visiter l’île de Coche qui est à côté lors d’une journée organisée sur la « Doña Gladys » pour les familles et amis des pêcheurs. J’y ai rencontré des québécois qui étaient là aussi pour la journée, ils avaient payé 50 $ pour leur journée… Cela me donne des idées… Vacances Air Transat vient de réouvrir Margarita, je crois que je vais aller voir les hôtels et proposer des ballades en mer ou des tours de l’île… Au retour de cette journée à Coche, le moteur de la lancha est tombé en panne, nous avons fini le chemin en peñero puis en autobus dans une superbe ambiance.

Après la panne…

 

 

Le 2 mars 2004, Margarita.

Nous sommes de retour en ville, Simon et Sabrina sont retournés pelleter la neige accumulée sur les escaliers de leur maison durant la semaine, nous venons d’avoir des nouvelles, car nous étions un peu inquiets au sujet de leur retour, non pas à cause du choc thermique, mais plutôt au sujet du passage aux douanes canadiennes avec XXX bouteilles de Rhum, de vin et autres spiritueux, joyeusement taxés par notre cher gouvernement… En fait tout est entré au pays, ils sont passés avec le flot de touristes-à-hôtel-tout-inclus-en-français-fermé-à-haute-sécurité…

La semaine fut sympa, rapide et fatigante car nous avons fait un aller-retour aux Testigos assez stressant…

Nous quittons donc Porlamar lundi dernier vers 22.00 afin de gagner une journée de vacances en faisant route de nuit.

Deux heures après le départ, le moteur s’arrête… Nous sommes fac au vent et à la houle, je crie quelques ordres à mon fidèle équipier et les voiles se montent, histoire de ne pas finir sur les rochers, puis je descends voir ce qui se passe…

Nous avons deux réservoirs de 120 litres de diesel, il y en a un qui est propre, car accessible, tandis que l’autre contient de la boue (dépôts), il nous sert au mouillage, pour faire tourner le moteur afin de recharger quand cela ne bouge pas trop. Je m’étais donc trompé de réservoir et utilisais le sale qui était presque vide… Résultat; Les filtres se sont remplis et le moteur s’est arrêté. J’ai donc changé les deux filtres en pleine mer, réamorcé le moteur en me faisant cogner par le mouvement des vagues… C’était bien stressant avec des gens à bord (surtout que l’un des deux remplissait sa chaudière (sot) de mal de mer toutes les demi-heures…

Nous arrivons donc aux Testigos au petit matin, et au moment de faire la marche arrière une fois l’ancre mouillée, les 6 « cylindres blocs » qui relient l’inverseur (transmission) à l’arbre d’hélice cassent… Plus de marche avant, plus de marche arrière… Nous sommes bloqués ! Nous avons été remorqués par nos amis pêcheurs jusqu’à un mouillage plus tranquille pour réparer…

Vous imaginerez facilement qu’aux Testigos, il n’y a pas de quoi réparer, et c’est avec François, de Paulu, aidé par Michel de Graffiti qui avait les vis adéquates à bord, plus un peu de bois, que nous avons pu fabriquer une pièce qui nous permettrait au moins de manœuvrer dans la baie de Porlamar en arrivant.

Nous sommes donc revenus à la voile, sauf pour les derniers milles car le vent était parti avec le soleil.

J’espère que nos invités ont passé une belle semaine, ce n’est pas facile de passer une semaine sur un voilier pour quelqu’un qui ne l’a jamais fait, passer du très froid au très chaud, du cher au pas cher, de l’espace d’une maison à la promiscuité d’un bateau, du hot-dog au poisson, du français à l’espagnol, mais je crois que ce sont des choses enrichissantes qui doivent se graver à jamais dans notre disque dur de cerveau. Je crois qu’ils ont aimé leur expérience et oublié bien vite les quelques litres de vomi des premières heures !

Nous avons depuis hier un téléphone que Simon nous a ramené du Québec. Il est activé avec un numéro Vénézuélien et enfin, après un an et demi, nous avons des appels de nos amis ! Le premier fut Jean du bateau Aurora, que vous connaissez depuis le début, ce fut extraordinaire de pouvoir parler avec des amis en français ! Vraiment, pour nous c’est un grand plaisir que nous nous sommes offerts ! (pour 7 $ US l’activation soit au moins 7 restaurants !). Le deuxième appel fut de Pascal, mon ami français, le troisième de ma mère… Nous en parlons, car pour nous, recevoir un appel est toujours une grande joie. J’ai eu des téléphones à terre dans l’ancienne vie, plusieurs lignes, les derniers modèles de cellulaire toutes-options, mais jamais au grand jamais je n’ai ressenti la joie d’entendre un vieux Motorlora comme nous avons maintenant, sonner dans le carré (salon) du bateau. Bref, appelez-nous, même si vous ne nous connaissez pas !

Jean m’a dit que les membres de la Conam (association québécoise de plaisanciers) suivaient désormais notre aventure, qu’ils soient les bienvenus à bord !

 

Nous sommes donc à Porlamar, à la Marina, et cela pour au moins une semaine car notre bébé Cookie est en convalescence… Mademoiselle a voulu jouer avec une mâchoire de requin en pensant que c’était un gros os… Elle s’est ouverte la patte sur les dents coupantes comme des lames de rasoir et il a fallut lui faire 10 points de suture, lui administrer des anti-inflammatoires, et des anti biotiques…

 

 

 

Laguna Grande, Golf de Cariaco le 4 juin 2004.

 

Nous sommes restés sur Margarita 3 semaines, le temps que la patte de la fifille soit complètement guérie, nous ne voulions pas risquer une infection ou quelque complication loin d’un vétérinaire. De plus, il fallait trouver une solution pour remplacer les 6 « silentblocs » cassés. Je me mets donc en recherche, je fais tous les garages, les magasins de moteur de bateau, etc. La seule et unique façon serait de les faire venir de Martinique par Fedex ou encore des USA, à un coût démesuré, il fallait donc trouver une autre solution. On décide donc d’essayer de se passer de ce système en faisant aligner parfaitement le moteur par un spécialiste. Ceci fait, le moteur vibre encore… Impossible de l’utiliser sous peine de casser la transmission. Je me remets en recherche et trouve un support de moteur de Chevette  (modèle de Chevrolet) qui est un peu plus gros mais qui, une fois taillé, pourrait faire l’affaire. On se remet au travail, aidés de Miguel, notre ami mécano. Après une journée de travail, l’essai est concluant, le moteur ne vibre presque plus, nous sommes donc prêts à retourner aux Testigos, reprendre nos petites habitudes, la pêche, les fêtes.

C’est l’époque de la ponte des tortues géantes, il faut absolument voir cela, nous préparons de quoi manger et boire, quelques lampes puis partons avec Roch, un ami qui est passionné de tortue et membre d’une association française qui les recense à travers le monde. Nous arrivons sur la plage de la dune (côté au vent), nous arpentons la plage tous les trois, rien que des traces fraîches nous donnant bon espoir de rencontrer ce géant cette nuit. Nous élaborons une stratégie de recherche « Nous établirons notre petite base entre deux grandes plages, comme nous sommes 3, toutes les demi-heures, deux iront faire un aller-retour sur les plages, le troisième restera au camp, en hauteur, afin de voir des deux côtés, le premier qui voit une tortue sortir de l’eau enverra un signal lumineux au camp qui sera renvoyé à l’autre pour le faire revenir. Je reste donc au camp, Karl part sur la grande plage et Roch sur la petite, après 10 minutes, Karl m’envoie le signal que je répercute à Roch, ça y est, il a trouvé une tortue, c’est une tortue Luth, un monstre pesant peut-être 500 Kg, elle sort de l’eau, elle parait fatiguée, semble avancer difficilement. Effectivement, elle n’a pas de pattes mais des nageoires, c’est un animal 100 % marin mais qui doit jouer les terriens une fois par an afin de déposer sa précieuse cargaison de futurs bébés… Elle monte donc assez haut sur la plage, en fait à la limite où le sable est sec, afin que la marée n’emporte pas ses œufs puis tourne un peu, cherche et commence à creuser un trou parfaitement carré avec une précision et une dextérité incroyable. La ponte commence, elle pleure, de grosses larmes gluantes coulent de ses yeux, elle gémit, ses œufs tombent au fond du trou.

C’est un spectacle magnifique, touchant, nous baptiserons la tortue « Elisabeth ». Une fois son dur labeur terminé, c’est le temps du rebouchage minutieux, il faut également brouiller les traces, alors, Elizabeth tourne en rond, s’approche de la mer, revient, elle est fatiguée, nous lui disons que nous allons effacer ses traces, mais elle ne semble pas nous faire encore assez confiance, ça y est, elle décide de retourner dans son élément, nous l’encourageons, « Allez Élisabeth ! Encore quelques mètres ! », Nous l’aidons comme nous pouvons, car nous savons, après avoir vu un cadavre de l’une de ses congénères que parfois, l’épuisement peut avoir raison d’elles.

Ca y est, elle touche à l’eau, nous la saluons une dernière fois en la remerciant pour ce spectacle unique, puis elle disparaît dans les profondeurs noires de l’océan…

Nous passons un mois aux Testigos puis nous recevons un téléphone de nos amis Pérideau, ils viennent passer une semaine de vacances sur leur bateau à Grenade, nous décidons de monter les voir. Je descends donc sur la lancha de nos amis Manolo et Chucha à Margarita afin de faire mes papiers de sortie du Vénézuela, dès mon retour, nous partons vers Grenade en compagnie de Chucha qui devait monter pour retrouver aussi des amis. Il est 18 heures quand nous levons l’ancre, sortie de l’archipel, les vagues montrent leur nez, face à nous, le vent se lève, le courant est fort, bref, nous ne reculons pas mais presque…  Le GPS indique des vitesses de l’ordre de 0.5, 2 nœuds maxi… Après 9 heures de bataille contre les éléments, nous décidons de faire demi-tour, nous avons cassé le plancher du bout dehors, nous sommes épuisés. Une tradition vénézuélienne dit que l’on ne doit pas voyager le vendredi et le samedi saint, nous sommes partis le vendredi soir pour faire demi-tour le samedi… Comme quoi, des fois, il faut écouter les superstitions des pêcheurs !

Deux jours plus tard, la mer semble un peu plus calme, nous retentons un départ qui nous mènera 30 heures plus tard sur les côtes de Grenade, 90 milles en 30 heures, ce n’est pas un record… La seule consolation de cette longue et pénible navigation fut de voir des globicéphales et des dauphins.

Non loin des côtes, la ligne commence à tirer très fort, et même un peu trop… Nous avons perdu notre ligne ainsi qu’une énorme dorade coryphène d’au moins 1.50 mètre…

Maintenant, il faut retrouver nos amis, comme nous sommes en retard sur le rendez-vous, il faut les chercher. Nous appelons le carénage où se trouvait leur bateau, il semble qu’ils seraient dans une marina pas très loin, nous allons voir et apprenons qu’ils sont partis depuis quelques jours pour une destination inconnue… Je me dis qu’en une semaine de vacances ils ne vont pas se lancer dans une grande navigation, nous décidons donc de lever l’ancre le lendemain matin pour Cariacou, ce qui me semble être l’endroit le plus sympa pour passer une semaine sans trop faire de milles.

Nous expliquons à Chucha et Geneviève, son amie française venue la chercher que nous cherchons un voilier québécois du nom de Pérideau avec un équipage de 5 personnes dont 3 enfants, puis soudain, alors que nous buvions une bière ensemble, Chucha m’interpelle en me demandant (en espagnol) «  ce ne serait pas tes amis sur l’annexe rouge là-bas ? » Effectivement, c’était eux ! Quelle chance ! La probabilité de les retrouver était tellement petite qu’il fallait un gros paquet de chance pour y arriver ! Nous avons donc passé quelques jours avec eux bien sympathiques, mais ils devaient rentrer bien vite au Québec pour travailler, nous ne sommes plus habitués aux exigences de la vie « normale »  et c’était très frustrant de ne pouvoir passer que quelques jours ensemble, nous pour qui le temps n’existe presque plus.  Nous avons profité de ce séjour à Grenade pour faire venir de Martinique des filtres  qui nous manquaient, de faire nettoyer les cuves à gasoil ainsi que de vendre quelques colliers et peintures.

Nous partons faire quelques courses au foodland du lagon, quand soudain, nous apercevons nos amis, Michel et Alberte du bateau « Le Large », nous appelons, faisons des signes, essayons de siffler (c’est pas mon fort…) en vain. Un homme sur son bateau qui nous voyait nous agiter comme deux débiles s’en vient avec son annexe en nous demandant  si l’on a besoin d’aide, nous lui expliquons la situation et nous conduits sur « Le Large », nous venions de rencontrer Claude.

Quelle joie de retrouver nos amis québécois Alberte et Michel, c’est extraordinaire le bateau pour ça, nous étions sûrs de nous retrouver un jour dans un mouillage, du reste, tous les gens vivant sur un bateau vous le diront, on se retrouve toujours… Nous sommes donc retourné aux Testigos avec « L’Arlequin » (Claude et Estelle) après deux semaines de travail sur Pérideau qui avait besoin de vernis.

Claude et Estelle nous parlent beaucoup d’un endroit qu’ils aiment sur le continent, Le Golf de Cariaco. Pour beaucoup, le Venezuela est dangereux, quant au continent, beaucoup disent qu’il faut être suicidaires pour y aller, à moins de s’enfermer dans une marina gardée à Puerto la Cruz. Nous aurions écouté ces histoires, nous ne serions jamais arrivés aux Testigos, nous aurions jamais quitté la Martinique ou même Montréal… Il y a une campagne anti-Vénézuela, il est vrai, que pour l’intérêt des Antilles, les bateaux doivent absolument craindre le Vénézuela, la vie y est 10 fois moins chère, les gens y sont bien plus accueillants, on peut faire faire tous les travaux sur le bateau à moindre coût, bref, les Antilles, malgré le peu de service, l’accueil inexistant, les prix démesurés à tout intérêt à garder les bateaux dans ses eaux. Il n’y aurait pas cette campagne de salissage, le Vénézuela regorgerait de bateaux venant visiter soit, mais aussi caréner, se mettre à l’abri en période cyclonique, car c’est le meilleur endroit où aller durant cette saison qui nous fait à tous peur et nous oblige à aller au sud, du reste, les assurances l’exige sous peine de ne pas couvrir les bateaux en cas de sinistre dû à un cyclone. Le Venez. est vraiment le paradis des plaisanciers. L’avantage de cette situation pour nous est de pouvoir mouiller dans des endroits déserts, de rencontrer des gens dans des petits villages qui ne voient jamais de gringo, de bateaux.

Nous décidons donc de faire route avec eux jusqu’à Margarita où j’ai un peu de travail à faire puis descendre dans le fameux Golf. Nous passons donc une semaine aux Testigos. La pêche n’est pas très bonne, nous ne mangeons que des bonites… Un soir à la pêche, nous nous accrochons dans le bout d’un filet, le lendemain matin, Hernan nous dira qu’un requin marteau de 80 Kg a été pris dans celui-ci, il nous montre la tête, je suis bien de content ne pas avoir dû me mettre à l’eau pour enlever le bout pris dans l’hélice de l’annexe !

 

Après une bonne journée de navigation, nous arrivons dans le Golf de Cariaco, c’est très grand (environ 40 milles), nous entrons en longeant la côte est, puis entrons dans Laguna Grande, c’est majestueux, cette lagune est entourée de montagnes allant de l’ocre au rouge foncé, c’est désertique, il n’y a pas une ride à la surface. Nous nous enfonçons entre les diverses îles puis nous mouillons dans le fond  entre une petite île et le continent. Nous sommes seuls, cela pourrait faire peur, mais le sentiment qui nous envahit est tout le contraire, enfin seuls, en paix. Le bateau ne bouge pas, nous dormons bien, trop bien même, car je me réveille, me demandant si on n’était pas revenu au carénage. Nous sommes comme sur un lac. Cette lagune regorge d’huîtres, de coquilles St-Jacques, de pétoncles. Nous ne pêcherons pas de poissons, nous profiterons plutôt de ces coquillages que nous mangeons que trop rarement. Après quelques jours, nous traversons le Golf en direction de Mariguitar où un suisse allemand du nom de Karl tient un hôtel-restaurant avec, pour notre plus grand plaisir, une piscine. Nous y passerons deux jours, afin de profiter de tout cela et faire quelques courses. L’étape suivante fut Medregal, là, c’est un Belge-Africain-Francophone qui tient un hôtel, comme quoi, même au milieu de nulle part, on retrouve d’anciens aventuriers qui décidèrent un jour de s’installer, souvent à cause d’une rencontre avec l’amour local…

L’étape suivante doit nous mener au bout du golf, là, il n’y a plus rien, plus de voiliers, plus d’hôtels, juste un petit village et la nature luxuriante.

Nous mouillons la première nuit loin du village, au milieu de la dernière baie, car nous avons, comme plan, de remonter la rivière en annexe, à travers la jungle. Nous nous équipons de notre appareil photo, car avec un peu de chance nous croiserons quelques crocodiles ou quelques flamands roses. Malheureusement, il était midi, et les crocos font dodo, la prochaine fois, il faudra retourner à la tombée du jour…

Le lendemain matin, nous nous approchons du petit village, El Muelle de Cariaco, muelle signifie quai et Cariaco est la ville qui se trouve au fond du »golf, à une trentaine de kilomètres, avant la construction de la route, la ville était ravitaillée par des bateaux qui se mettaient au quai de ce village. Nous visitons, c’est extra, nous ne pouvons faire deux mètres sans recevoir un sourire (souvent édenté) suivit d’un « Buenos dias! ». Il n’y a pas de gringo qui vient ici et tout le monde sait que nous sommes arrivés hier, que nous avons mouillé au fond, etc. La spécialité de ce village est la poterie, il y a plein d’artisans car la terre y est bonne, les poteries sont cuites dans des fours à bois, comme au moyen-âge. Les artisans nous accueillent nous montrant leur travail en nous offrant de l’eau fraîche. Nous achetons quelques poteries à des prix ridicules. Si ridicules que nous apprenons qu’un français, ayant trouvé ces poteries intéressantes en avait acheté beaucoup afin de les revendre en France avec un gros profit. Voyant que cette affaire était bonne, il envoie un container demandant aux artisans de le remplir de poteries rapidement. Ils ont donc travaillé fort car le container n’était là que pour quelques temps, et quand ce fut l’heure du départ de celui-ci, la commande n’`était pas terminée, le container n’était pas encore plein. Et bien, croyez le ou non, le dit français n’a jamais payé les artisans car ils n’avaient pas honoré 100% de la commande. Jolie mentalité ! Nous battons pavillon canadien, c’est plus rare sur les mers que le français que l’on retrouve partout, il y en a beaucoup, donc plus de malhonnêtes aussi.

Nous profitons également de cette escale pour aller en bus (pick-up avec des bancs) faire des courses au marché de Cariaco, nous vous recommanderons le poulet, qui m’a rappelé le poulet fermier que me faisait ma grand-mère le dimanche !

Au retour au village, nous avons été escortés par une vingtaine d’enfants, interceptés sur la route pour prendre une bière, bref, l’accueil avec un grand A ! De retour au bateau, qui était à un bon 500 m. de la terre, nous recevons la visite de trois petits canards… Le plus jeune des enfants nageait à l’aide d’une planche de bois et était escorté par deux plus grands, ils venaient nous demander des « chupetas » et des « galletas » (sucette en français, suçons en québécois et des biscuits). Ils

sont repartis avec leur sac de cadeaux à la bouche, barbotant comme trois petits canards.

 

Samedi 12 juin Isla Chimana Secunda

Nous avons donc quitté ce super  village de Muelle De Cariaco pour retourner à Laguna Grande où nous retrouvons quelques amis, fêtes, guitares et rhum furent de la soirée. Nous nous dirigeons ensuite vers Cumana, nous dormirons à la marina, car nous devons laisser le bateau pour la soirée car nous sommes invités chez Jean-Pierre et Leila, un couple français installé ici, re-fête, re-musique. Nous faisons le plein de « frais » comme nous disons, au marché local, puis nous mettons le cap vers Mochima, encore un endroit dont le nom fait frémir quelques navigateurs… Un soi-disant lieu dangereux où l’on se fait attaquer… Décidément, je supporte de moins en moins ces conneries que l’on raconte… Tenez, un bateau s’est fait attaquer il y a quelques années à Laguna Grande, ce que l’on ne dit pas, c’est que le capitaine de ce bateau est allé tuer une chèvre pour la manger, les chèvres appartiennent à des gens, même si elles courent sur les plages… Franchement, iriez-vous tuer une vache dans un champ breton ? Bref, ces histoires sont nuisibles à ce pays, comme malheureusement bon nombre de plaisanciers.

Nous arrivons donc à Mochima, Mochima est un parc National, le village se situe au fond du lagon, nous sommes les seuls voiliers, comme d’habitude, nous sympathisons avec des jeunes locaux qui viennent à bord, à en croire leurs yeux, c’est la première fois qu’ils doivent être invités à prendre un verre sur un voilier, à part peut-être le plus vieux, qui connaît un peu plus la géographie et la navigation que les autres. Deux « Chicos » grattent notre coque car les algues et les coquillages s’accumulent, ils sont bien contents de leur salaire et de la fête qui suit.

Deux jours plus tard, nous arrivons à Isla Chimana Secunda où nous mouillerons pour la nuit, dernière étape avant Puerto La Cruz, Le « St-Tropez » du Venez !

Nous tenons à remercier, à cette étape du Journal, nos amis, Estelle et Claude qui nous ont guidés à travers ces mouillages soi- disant dangereux, en fait, dites-vous que le continent est très dangereux, c’est aussi bien, nous serons toujours seuls dans peut-être les plus beaux endroits du monde, avec les gens les plus charmants. L’approche de cette partie du Vénézuela, fait peur à cause des « on-dit », des revues, journaux, mais sachez qu’il n’en est rien, cela est bien moins risqué que la Martinique par exemple, dont les attaques et les vols sont bien moins publicisés, et en plus, il y a la vraie vie ici, les gens, l’accueil, pas un pas sans un « bonjour », pour nous cela compte, l’aventure géographique, sans l’aventure humaine n’a aucun intérêt. Alors pourquoi pas charger vos bateaux de chupetas, de vêtements et de médicaments et aller faire un tour en dehors des sentiers battus ?

 

Margarita le 21 07 2004

 

Nous sommes à Margarita depuis 24 jours, avant cela, c’était Puerto la Cruz. Nous appareillons demain pour aller aux Testigos ! Quelle joie, c’est comme si…

Vous aviez passé un mois à Montréal après 10 ans à St Hippolyte ou encore un mois à Paris après 10 ans à St-Glen en Bretagne. Bref, on en peut plus, il nous faut le silence de la nuit, sentir le nylon se tendre quand la carangue mord à l’hameçon, avoir froid après deux heures dans l’eau à ramasser des langoustes, manger du poisson ! On en a marre du filet mignon, et oui… Margarita, la ville, c’est super, c’est facile, trop facile, c’est cher aussi (pour nous, car les prix sont à rire pour vous) nous devons bouger vite. Nous reviendrons à la fin du mois pour rencontrer Marc, un ami québécois qui veut travailler avec nous.

 

Des fois l’aventure c’est dur, difficile à vivre et c’est souvent un de vos emails d’encouragement, un coup de fil qui nous font avancer. Merci de nous donner ce qui parfois nous manque, le fait de savoir que vous nous suivez, nous encouragez est, je crois le plus beau salaire, un peu comme l’applaudissement pour le clown. Merci d’être présents, car chaque email, téléphone est plus qu’un coup de pied au cul, un encouragement qui nous fait avancer et remplit notre cœur de votre amitié géographiquement lointaine…

 

Chacachacare le (et je viens de faire le tour du bateau pour en être sûr, maudite date ! ) 15.11.04.

 

 Vous connaissez le nom du lieu car nous avons fait le tour, et oui, à la même date en 2003, nous étions au même lieu. Est-ce ne point avancer ? Régresser ? Et bien non…  L’aventure continue, c’est juste que nous aimons caréner ici pour la qualité des prestations et l’ambiance de fête dans le travail (qui est réel et dur  pour ceux qui oseraient en douter…Attention je parle du travail J ).

Nous avons reçu un coup de main de notre ami Philippe, le propriétaire du carénage sans qui de tels travaux n’auraient    pas été possibles… Regardez la transformation de Moby Dick… 37 années de mer, un petit lifting d’un mois et demi et il retrouve son beau look de jeune adolescent fougueux prêt à affronter les vagues… Et toutes, sauf peut-être Ivan, le terrible qui fut pour nous une épreuve, un défi de plus à relever…

Nous étions au Testigos, avec notre ami Simon de Montréal (Prévost exactement) et devions rentrer à Margarita  afin qu’il prenne son avion pour Caracas, puis Toronto et Montréal. Nous planifions une journée de magasinage à Porlamar avant son départ. La météo semblait mauvaise, je dis semblait, car aux Testigos, nous nous préoccupons de la météo qu’en cas d’alerte, vu que tout est toujours tranquille… Là, les voiliers parlaient d’un gars, un Ivan qui soi-disant voulait venir nous casser la figure, mais jusque là rien n’était confirmé, ce matin là, 5 ou 6 bateaux ont quitté les Testigos pour aller se cacher… Ouais, bon en général, il y a beaucoup d’alarmistes ! Je ne panique pas,

mais m’inquiète… Je suis à la Iguana et cherche des informations météo, Ciria me suggère d’aller demander aux autres voiliers mouillés chez Chonchon (le coin touristique !) des informations sur le dit Ivan qui était devenu cyclone et restait au sud… Ciria me prête son Peñero pour aller là bas et je reviens avec des informations sur le temps. Je décide de partir le lendemain au lever du soleil car la situation devenait un peu critique, de plus, Simon avait un avion à prendre…

Lever du jour, nous levons l’ancre comme d’habitude, nous déjeunons tranquillement, la mer est belle, pas de houle, peu de vent.

A 10.00 le ciel devient noir, le vent se lève, la mer se gonfle, l’orage attaque, les éclairs tombent de chaque côté du bateau, on a beau connaître un peu les orages, nous avons peur, nous essayons de ne pas le montrer car nous avons un passager (qui n’a pas peur et prend des photos ! Tant mieux !) Il fait noir, la pluie se déchaîne, des seaux tombent, nous ne voyons même plus la proue (l’avant) du bateau, mais bon, il faut lutter, avoir confiance en ce bout de plastique flottant, se dire que la maison est forte, que nous sommes forts, que nous sommes maintenant de bons navigateurs, que nous savons gérer ce genre de situation. On se le dit, car en fait, c’est notre premier cyclone de si prêt ! Quelques heures plus tard, nous arrivons à Porlamar, par radio, nous apprenons que la houle commence à entrer dans la baie, et la houle, c’est ce qu’il y a de pire, c’est le meilleur guindeau, le meilleur moyen d’enlever votre ancre de son petit trou de sable… Nous mouillons, comme à notre habitude proche de la plage. La mer monte… Je me dis d’un coup, il y a 3 mètres de fond, je cale 1,50 m, et il peut y avoir des creux de 3 mètres, total des calculs, si cela devient méchant, je touche, je cogne, je talonne, je casse, je m’échoue, je coule… On lève l’ancre pour aller mouiller plus loin… Heureusement que nous avons changé de mouillage, car nous étions entre deux bateaux qui le lendemain étaient sur la plage. C’est dans ce genre de situation que le dur rôle de capitaine est une horreur, les autres bateaux te donnent des conseils, les équipiers râlent ou te conseillent, bref, tu ne sais plus quoi faire. Là il reste ton intuition de capitaine (ou d’Homme en fait) qui te dit, « Bouge, suis ton feeling ! », et en général, avec quand même un minimum de compétences, cela fonctionne ! Nous bougeons donc alors que la mer devient de plus en plus menaçante pour aller vers un coin qui offre plus de fond et moins de voisins ! La nuit fut, je crois la plus longue de ma vie, impossible de se tenir debout au mouillage, nous avons une houle de travers, sauf quand le vent souffle à 40-50 nœuds (80-100Km.h), la houle monte à 3 mètres, les bateaux voisins apparaissent et disparaissent au gré des vagues, c’est très impressionnant. Le moteur est en route pour alléger la chaîne en cas d ‘augmentation du vent ou encore pour ne pas s’échouer en cas de dérapage. Vers 3.00 du matin, le vent se calme un peu, Ivan s’en va. Il laissera une dizaine de bateaux échoués sur les plages (avec peu de dommages), mais malheureusement, nous l’apprendrons plus tard, une lancha de pêcheur qui ira par le fond avec 7 de ses hommes. Ivan a frappé dur, mais nous l’avons évité, c’est Grenade, l’île ou nous étions avant qui a été détruite à 90%, la plupart des bateaux coulés, ou encore cassés, les uns sur les autres s’ils étaient à terre. Quelques-uns de nos amis ont perdu leur bateau, et nous pensons fort à eux, nous qui avons en fait été très chanceux. Nous avons mis du temps pour vous raconter cette expérience en détails, l’inclure au journal, mais nous l’avouons maintenant, cela a été un peu traumatisant.

L’enfant terrible étant passé, nous décidons de rester à Margarita pour travailler sur le bateau, nous voulons caréner pour refaire l’anti-fouling, refaire la peinture de coque et le pont, bref, du gros, très gros boulot… Il y avait sur le pont un anti-dérapant en genre de caoutchouc, collé au Syca (pour les néophytes, un truc mou, collé avec un truc dur…) il fallait tout enlever, soit 2-3 semaines à quai à gratter, poncer. Nous sortons le bateau à Chacachacare, et, comme l’an passé en pire, plus long et plus dur, on ponce, enduit, re-ponce, peint, re-peint, etc. Mais bon, le résultat vaut l’effort que nous faisons depuis maintenant plus de deux mois ! J’avoue avoir mal au dos, au cou, aux doigts, mais être bien content du travail accompli ! Nous avons maintenant hâte de reprendre le large en direction des Testigos pour passer les fêtes !


 

 

 

 

Grattage du pont

Ponçage de l’anti-fouling

Ponçage de la coque

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un peu de fête après le travail

Nenha, l’ami de Cookie

Nenhapas et Nenha son frère

Les 5 ans de Cookie !

 

Margarita la 24.01 2005

 

Météo 24/01/2005 20:55:58 (UTC) Radio Canada International

Le ciel est couvert sur tout l'Ouest et le Grand Nord, avec à Vancouver 12 degrés celsius, à Yellowknife -20, à Edmonton 5 degrés, -3 à Regina, et à Winnipeg -11. Et il neige sur l'Ontario, le Québec, et la région atlantique, avec à Toronto -7, à Ottawa -9, Montréal -11, à Québec -16, à Halifax -12, et à St-Jean de Terre-Neuve 3 degrés.


 

Pour nous aussi c'est l'hiver et cela est aussi sympa, l'eau est froide, les nuits aussi. Je vais voir le thermomètre pour ne pas mentir...

Ouais... 26,3 degrés C à 3 heures du matin, je sais et me souviens, "je me souviens" sera toujours ma devise ! (Pour les néophytes, c’est la devise de la province du Québec). L'hiver québécois est quand même mieux et plus sérieux et je sais que ce n'est rien du tout comme hiver ce que l’on vit, mais avec trois ans de "tropiques", nous avons froid.

Notre frigo est à 8 C ce soir car nous sommes à la marina où l'énergie est à volonté... Cela fait du bien, c'est comme des vacances, l'eau 4 heures par jour, le 220, le 110 Volts, un vrai plaisir que l'on s'offre quelques fois pour 5 $ USD la nuit, nous sommes donc, comme vous l'avez deviné, à Margarita. Nous faisons un aller-retour car nous devons communiquer avec des amis qui ont un bateau avec lequel nous allons enfin travailler ! La situation n'est pas noire mais pas rose non plus, il nous faut travailler. Ou bien nous faisons ce que nous aimons et savons faire, à savoir, recevoir les gens et leur faire découvrir une partie de notre vie avec le confort et le luxe qu'un terrien a besoin, ou bien nous investissons dans deux billets d'avion pour aller en France vendre des colliers de perles sur les marchés du sud durant l'été. Cela peut être très lucratif, le seul bug, c'est que nous préférerions travailler au soleil et aller en France ou au Québec uniquement pour promouvoir nos futures voyages

On aime les gens, on aime recevoir et nous avons hâte de pouvoir faire partager notre vie et passion.

Faire "tripper" des gens qui s'empresseront de parler au travail, à l'école, la garderie de leur premier requin au bout de la ligne, de leur  sieste à l'ombre d'une fraîche palme (de la coco trop mûre tombée sur la tête :-) ), du sourire et des larmes d'une tortue géante qui pond quelques centaines de futurs bébés, d'une conversation incompréhensible ou tout le monde rigole et personne ne comprend mot à part "salud" "santé" "à la tienne", d'une invitation à boire un café alors que l'on marche les fesses serrées  les $ dans les chaussettes par peur des brigands,  d'un retour hasardeux au bateau, escortés et accompagnés par de bonnes personnes à la tête de tueurs de films américains qui vous ramènent à votre annexe s'inquiétant de votre futur mal de tête, des yeux de la langouste qui savait sa fin proche en vous voyant l'imaginant dans l'assiette...  Bref, nous avons besoin de partager maintenant, il y a de quoi casser pas mal de préjugés et ouvrir à tous un monde qui pourrait paraître inaccessible !

Depuis que nous sommes au Vénézuela, seul notre pote Simon a osé deux fois venir nous voir, une fois avec Sabrina, une fois avec Ivan, le dit Ivan aurait dû prendre cette semaine là un vol pour le nord, mais celui-ci étant annulé, il est venu par jalousie nous casser la figure, mais le Sim a vécu la fureur de la mer et en garde un (bon) souvenir impérissable ! Cela n'était pas arrivé depuis 50 ans mais il était là... Il y en a qui cherche la tempête ! (Faire 6000 Km pour se taper Ivan, c'est pas mal  !)

Il y a tant à découvrir du circuit classique à l'expédition au cœur de la forêt Amazonienne ou Orénoquienne ! Des  Indiens qui ne connaissent pas les blancs à nos amis des Testigos qui vivent avec, le pays est riche est beau. Il me plait tant de le faire découvrir, qu'au carénage les français nous appelaient l'office du tourisme et qu'aux Testigos nous sommes les guides-ambassadeurs ! Quand un bateau arrive, on aime et connaît tellement ces eaux que nous passons quelques heures sur chaque bateau  à expliquer, copier les cartes, donner les numéros de téléphone de tout ce qui peut faire qu'un visiteur découvre le vrai visage du Vénézuela en toute sécurité, symbiose, sécurité et amour.

Notre mouillage à la Balandra, au milieu des pêcheurs

Il y a aussi une autre chose importante, dont je vais parler un peu. Ici les gens ont une grande ouverture d'esprit, que ce soit un paysan du fond de la jungle ou un pêcheur : tu peux être ce que tu veux. C'est sûr que les démonstrations folles donneront part à quelques blagues machistes, mais d'une façon générale (pour le moment 100%) nous sommes acceptés tel que nous sommes. Je crois que nous sommes appréciés. Il est vrai que je passe beaucoup de temps à  bricoler sur les lanchas en panne car j'ai des outils qu'ils n'ont pas (clefs, tournevis) .  S'il nous manque quelque chose, nous l'avons en double: Poissons  à gogo, etc. Et tous ne veulent que venir nettoyer le bateau, aider, tirer, pêcher pour le plaisir de prendre un verre et voir Moby Dick. Chaque fois, ils ont du mal à croire que nous avons les toilettes, une salle de bain et une cuisine. Quant à l'ordinateur et nos 300 films Divx piratés, on n'en parle pas ! C'est tout simple car il y a échange sans supériorité ou culpabilité. Cela est important. Ils sont de vrais pêcheurs, ils font en une heure ce que je fais en  dix ! Et j'ai plus de matériel, hameçons, leurres... Je les aide mais toujours dans un esprit marin donc fraternel, ni l'un ni l'autre ne se sent mal, le sentiment que je ressens en aidant avec ma caisse à outils, mes quelques compétences de bricolo, quand on arrive à faire démarrer un moteur ou réparer un trou est extra !Mais quand ils m'offrent, car tous les  soirs je pêche et parfois en vain, une aile de raie, une bonite sachant que je n'ai rien pris (ils suivent le trajet de mon annexe et savent si j'ai du poisson à mes arrêts en mer), cela se fait non comme un cadeau où l'on se doit de dire "merci" mais comme une chose normale. Le plus fort, ce qui m'a prit un moment à comprendre, assumer plutôt, est le fait qu'ils viennent nous voir et nous demander des vis, des clous, de la graisse, de l'huile, un masque (tous les jours pour gratter leur coque), un peu de mastique époxy. En fait, ceux qui nous connaissent un peu, suite à un service rendu vont nous proposer du poisson. Mais ce n'est pas évident. Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il faut faire la même chose et être aussi à l'aise pour être acceptés (comme nous le sommes maintenant) parmi cette communauté (nous sommes le seul voilier, mouillé au milieu de 12 lanchas). Maintenant, et ils se sentent fiers de cela à tel point que je ne dois pas tout le temps demander au même bateau tous les jours, quand je ne pêche rien, je vais directement demander qu'ils m'offrent du poisson pour mon souper. Et  c'est avec plaisir, s'ils n'ont pas anticipé et gardé un poisson pour moi, qu'ils me sortent une belle Cachua, qui était éventuellement réservée pour une grillade entre marineros. Ils savent donner et demander de la même façon. Au début, c'est un peu difficile de comprendre car, n'osant pas, nous avons tendance à nous sentir lésés, profités. Et pourtant, hier, une Lancha, sachant que j'étais aux Testigos depuis plus d'un mois m'a proposé de partager sa farine de maïs pour faire les arepas (pain, nourriture de base avec le poisson). Je crois que la solidarité entre marins existe encore ici, et là je parle de la vraie, à savoir, couper ta ration ( et celle de tes marineros) de moitié pour un compañero (frère, compagnon de la mer) ...

 

 

Le 10 février 2005, Los Testigos.

Tiens. Cela me fait chi… Lostestigos.com était libre il y a peu de temps, je me suis dit, je vais l’acheter. Je n’avais pas ma carte sur moi, on verra mañana comme on dit ici, et puis maintenant, c’est pris… Par une compagnie de Caracas qui vend des langoustes… Ouais, même ici, faut pas traîner, surtout sur le net où le mañana ne peut exister (mañana, prononcez magnana, veut dire demain officiellement en espagnol, mais en fait cela signifie un jour, bientôt…), bref, on s’est fait piquer le nom car nous n’avons pas réagi assez vite…

Nous sommes toujours aux Testigos et appareillons pour Margarita demain (pas mañana), nous venons de passer encore  quelques semaines de fêtes… Nous n’avons pas parlé beaucoup de Noël. Noël, cette année fut un grand moment pour plusieurs raisons. La première fut qu’Hernan et Ciria  achetèrent un cochon… Vivant ! Le cochon, après 50 milles de navigation dans le peñero (barque) dont il a mangé la moitié des  varangues (support de la coque), arrive, bien vivant sur la plage « Playa Ingles », la plage d’Hernan et ciria. La tradition Vénézuelienne veut, comme vous le savez déjà, que l’on mange du cochon à Noël et au jour de l’an (le reste du temps, c’est du poisson ), mais ce cochon, il fallait le tuer, j’avais vu faire dans mon enfance à la ferme de ma tante Annick, mais bon ce n’était que souvenirs théoriques… Par où commencer, comment le tuer avec les moyens du bord, récupérer le sang pour le boudin et essayer de ne pas trop le faire souffrir et encore moins hurler (on est un peu sensible quand même). On s’en sort en l’assommant  avec 3-4 coups sur la tête, puis on commence à l’écorcher, comme une chèvre, c’est-à-dire en lui enlevant la peau. Le bog, c’est que le gros cochon n’était qu’assommé et qu’il se met à remuer, avec déjà la moitié de la peau enlevée… C’est horrible, en plus, on lui a coupé la carotide pour récupérer la sang pour le boudin et il continue à bouger… Ce n’est pas possible, c’est une blague ! Plus de peau, plus de sang et ça bouge… C’est un peu traumatisant la cuisine de Noël…

On finit par en venir à bout et le bouffer ce porc ! Il grille maintenant, un petit peu dans la casserole sur le feu, un petit peu sur la braise, un petit peu au four… Il ne bouge plus…

Maintenant, il est temps de faire les dérivés du cochon. Sylvie, du bateau Argo se chargera du boudin, du pâté de tête, du pâté de foie ! Qui furent d’ailleurs fort réussis ! ici, la tradition veut que, durant la période des fêtes, quand il y a de la visite, l’on offre ses « Allakas ». C’est un délicieux mélange de viandes, légumes, épices, cuits dans une feuille de bananier, c’est délicieux une fois, très bon la deuxième, bon la troisième fois, passable la quatrième… Après la trentième fois (car chacun est fier de faire goûter ses « Allakas », c’est trop, on en peut plus, on ne sait quoi dire, on cherche un coin tranquille pour se débarrasser… Non, j’allais dire une méchanceté, mais bon, j’aime les Allakas… Modérément…

Un peu de travail…

P’tit Charter très sympa

 

Joyeux anniversaire Karl !

 

 
Vendredi 25 Mars 2005 Los Testigos
 
Comme je l'ai déjà dit, je n'aime pas trop parler des choses négatives
Dans ce journal, sauf quand certains évènements s'avèrent fort constructifs, donc  positifs !!!
Nos amis de Margarita sont arrivés hier matin vers 9 heures, leur traversée fut terrible, non seulement à cause de la houle (qui peut déranger certains terriens sensibles) mais surtout à cause d'une effluve d'essence qui embauma le bateau jusqu'au fond des cabines durant 8 heures. Le mal de mer, non, le  mal d'essence, je crois que oui... Bref, le ``Bateau Vomi´´ a donc jeté l'ancre à coté de nous. Nos amis, Philippe, Innès, Georges, Corina,
Marcelo, Lorena et leurs enfants sont ici pour la semaine sainte (Pâques) qui est très fêtée ici, tout comme la fête de la vierge en septembre. Beaucoup de gens du continent ou de Margarita viennent faire la fête aux Testigos, amenant bières et whisky pour les grands et hors bords de 75 chevaux pour les petits. Le jeune que nous connaissons n'est pas assez fort encore pour démarrer son 75 ch, il a fait installer un démarreur électrique. La batterie a volé et lui est retombé sur le doigt, écrasant l'ongle. La batterie est maintenant fixe, il continue a faire la course avec ses copains, et son doigt, qui n'a que onze années s'en remettra bien. Il y a ces jours-ci un grand contraste entre les gens de passage qui viennent du continent pour jouer avec des 75 ch alors que les pêcheurs d'ici ont du mal à se payer un 40 ch pour aller travailler...
Nous attendions donc la visite de nos amis avec impatience, ce sont nos meilleurs amis de Margarita et pour la plupart, c'est leur première visite aux Testigos. Il nous pressait donc de les voir, mais cette fois-ci encore plus, car Karl souffrait d'une conjonctivite hémorragique trop purulente pour me rassurer...
Cela faisait trois jours que nous nous battions avec son oeil gauche, grossissant jusqu'à atteindre la taille d'un oeuf de poule. Sylvie, une amie de bateau avait des antibiotiques locaux que je lui administrais 3 fois par jour. L’œil enflait encore, purulait. J'appelle Corina à Margarita (qui est ophtalmo) lui expliquant la situation, elle me dit qu'ils arrivent tous le surlendemain et qu'en attendant, il faut trouver un antibiotique puissant à avaler... A 50 milles de Margarita, sur une île... Je prends donc l'annexe pour aller chez Ciria voir ce qu'elle a comme médicaments. En route le bateau Twilight, un ancien crevettier américain converti en habitable m'arrête pour m'offrir une bière car nous les avions aidés la veille à réparer leur moteur. J'explique que je suis pressé, que mon ami souffre, pleure de la mayonnaise et que je cherche un antibiotique puissant. Le gars me dit que sa femme était dans le milieu médical et qu'elle pourra sans doute nous aider. Elle m'offre donc un antibiotique super fort plus des Advils 600 et me voilà de retour à bord.  Karl avale tout cela et j'appelle Corina pour avoir confirmation, tout parait OK. Je vais donc faire courir la chienne chez Ciria, bien rassuré. Une heure plus tard, Sylvie m'appelle car elle a reçu un appel radio de Karl  disant que c'est de pire en pire, que maintenant il ne voit plus... Je rentre en urgence, effectivement ce n'est pas beau, en plus d'être enflé, le blanc de l’œil n'est plus blanc du tout, c'est comme un gel rouge qui passe par dessus l'iris. L’œil n'est donc plus un globe mais un amas de gel sanguinolent sans forme. C'est très impressionnant. J'essaye de ne pas paniquer (ou du moins de ne pas le montrer). J'appelle Sylvie qui a plus l'habitude, elle confirme, ce n'est pas beau... J'appelle Corina décrit exactement ce que j'ai vu, explique ce que j'ai fait et donné. Elle me dit très bien, ajoute des compresses froides et surtout : Patiencia !!! (Patience)
Le lendemain matin, une mini amélioration, ouf. La paupière n'est plus bleue. 12 heures plus tard il voit. Aujourd'hui l’œil est presque normal, Corina nous a donné des gouttes antibiotiques et anti-inflammatoires. Bilan de l'opération... Ne pas se trouver loin de tout sans antibiotiques puissants et des anti-inflammatoires (Karl avait une grippe naissante et un petit bobo infecté, tout est parti en même temps !) Nous étions pourtant pas mal équipés, mais le problème des antibiotiques, c'est qu'il faut en avoir une tonne, un pour les dents, un pour les yeux, un pour les intestins, etc. Il faut un antibiotique à large spectre très puissant en cas de gros bobo. Peu de médecins en prescrivent car les effets secondaires ne sont pas toujours agréables... Estomac plié en dix, intestins brûlés ! Mais bon, pour sauver un oeil ou éviter une gangrène...
Bref la pharmacie de bord sera donc ajustée à la prochaine escale.
Karl est donc guérit, il reboit de la bière, ne pleure plus de la mayonnaise, a retrouvé son sourire. Nous sommes donc invités chez Ciria aujourd'hui à 3 heures pour manger de la langouste, avant, nous allons prendre l'apéro à bord d'Aquarius, le bateau de nos amis. Philippe me demande ``Chicharon ? (Genre chips oreilles de criss) Doritos ?´´ Je dis Doritos, j'adore cela ! Je mange donc des Doritos avec quelques
Cacahuètes accompagnés d'un verre de bon blanc chilien (sauvignon vert). Soudain, après le deuxième verre de vin, le creux des mains, puis la paume toute entière me démange, c'est rouge, je gratte en vain. Je me dit que comme c'est vendredi saint, c'est normal ! Je trempe les mains dans l'eau pour apaiser en vain. Nous rentrons donc car je ne me sens pas très bien, mais bon je ne vais pas raconter mes ti-bobos, mes tites-démangeaisons à mes amis médecins, cela me parait bénin. Une minute plus tard, je suis à bord j'enlève mon maillot de bain et vois des boutons qui fleurissent. Je me sèche. A l'endroit où est passé la serviette, apparaît des boutons, comme des cloques, à vue d’œil. Je n'y prête pas attention essayant de trouver quelque chose pour me gratter. Je me gratte la tête, les chevilles. Les orteils, les genoux, les bras, des milliers de boutons apparaissent dans la minute. Je cherche plus dur que du tissu, genre ``scotch brite´´ je me frotte le dos sur la poignée de porte de la salle de bain, je me sens devenir fou, c'est horrible, de pire en pire. Je me regarde dans le miroir, je suis rouge, boutonneux, gonflé. La bouche et le nez se paralysent comme si j'avais une anesthésie locale, j'ai du mal à parler. Je me dis, je crois que c'est cela une allergie d'après ce que j'ai lu. Je perds de la force et de la volonté, je veux me gratter ! Où est donc la foutue brosse métallique !
Je saute dans l'annexe marmonnant à Karl que je crois que cela n'est pas bon que cela arrive et évolue aussi vite. J'arrive à bord de l'Aquarius,
J’explique en 3 mots, après en avoir dit 2, Corina et Innès (médecins toutes les deux) plongent dans leur trousse cherchant les stéroïdes, puis ce fut la seringue que Philippe trouva afin de les injecter au plus vite. Je marmonne à Karl à la radio de sortir, à la demande de mes médecins sauveurs, illico l'Adrénaline, Philippe saute dans son annexe, le moteur ne veut pas démarrer, sur ce Marcelo saute dans la notre et fonce à côté prendre le précieux médicament.
Je suis vivant parce que je vous écris, mais que serait-il arrivé sans les stéroïdes et surtout sans la présence d'esprit d'Innès et Corina? Nous avions à bord tout ce qu'il faut, mais je ne me le serais pas injecté tout de suite n'étant pas sûr. Le diagnostic est 90 % de la guérison, voir100% à bord, et savoir le faire est important, de plus, il faut le faire rapidement, prendre et assumer les décisions (cela aussi peut être dur) et avoir un minimum de médicaments. Nous avions une assez bonne pharmacie (avions, car périmée à 70%), mais cela ne suffit pas, il faut qu'elle soit bien faite, organisée, avec un guide de référence rapide que l'on relit souvent. Nous allons faire en annexe une liste de ce que nous croyons maintenant indispensable sous les Tropiques en bateau (médecins aidez-nous !) avec ce que nous utilisons le plus. J'ai eu peur, très peur, mais rétrospectivement. Quand les stéroïdes ont commencé à faire effet et que je me sentais mieux, réalisant que j'aurais pu y passer, la larme n'était pas loin.
J'ai appris ensuite que mes « doctoras » avaient elles aussi eu peur...
Je crois que nous nous rappellerons toujours cette semaine sainte ou Karl, Roi borgne, Héritier du fidèle  Moby Dick a faillit régner au royaume des aveugles des Caraïbes, fleurissant le petit temple de son mari, mort d'avoir mangé des... Doritos*...
 
 
(*) Ce qui a pu provoquer l'allergie est soit :
Les arachides (une allergie peut arriver comme cela, du jour au lendemain). Soit un colorant jaune (numéro 5) contenu dans toutes les chips orange. C'est un colorant chimique à 100%, hautement cancérigène qui peut provoquer des allergies. Le deuxième verre de vin (je passerai désormais directement au troisième).
Qui est coupable ? Je ne sais pas, mais je vais enquêter...
 
 
Margarita le 28 avril 2005
 

Nous sommes de retour à Margarita après une dizaine de jours dans le golf de Cariaco où nous avons joué avec des centaines de dauphins. En trois ans de navigation, c'est la première fois que nous en voyons autant, à chaque fois que nous sortons d'un mouillage.

Le Golf est vraiment superbe et encore sûr. Nous avons passé deux jours à Laguna Grande à pêcher des huîtres, des pétoncles et des coquilles St-Jacques.

 

Amigos

Encore plus proche les amis !

 

Alors que Karl était à plat ventre dans l’annexe, la tête entre les racines de palétuviers à ramasser des huîtres, il tombe nez à nez avec un bébé agneau qui devait avoir un jour ou deux. Nous ne savons pas exactement, mais il avait encore son cordon ombilical. Le petit agneau, absolument pas farouche s’approche de Karl en pleurant : Maman, maman ! Karl cherche donc la maman de ce bébé perdu en vain, il le ramène donc à bord afin de lui donner un peu de lait. Il sympathise tout de suite avec Cookie qui lui fait sa toilette. Il est temps de le ramener à terre afin qu’il appelle sa mère. Nous avons essayé trois fois, et trois fois il nous suivait en pleurant, il s’est même mis à l’eau et faillit se noyer en voulant rejoindre l’annexe… Que faire, un agneau à bord… C’est déjà compliqué avec Cookie lorsque l’on doit prendre l’avion, mais imaginez-nous arriver à Montréal avec une chèvre Vénézuélienne et expliquer aux services vétérinaires que nous sommes ses parents adoptifs… Bref, la petite bête revient à bord.

On a fini par demander à un petit pêcheur s’il connaissait le propriétaire des chèvres. C’était son cousin, il a donc pris la petite pour la ramener chez elle, il nous a expliqué que cela arrive souvent et que son cousin à même un biberon pour les nourrir. Nous étions donc rassurés. On s’attache vite à ces petites bêtes, il est vrai qu’il est facile d’apprivoiser une chèvre.

 

Si si, il y a un air de famille !

 

Nous allons passer un moment à Margarita, car nous sommes un peu à sec, je veux dire financièrement, le bateau lui est toujours à l'eau. En attendant de commencer le charter (normalement nous avons le bateau fin juin...) nous n'allons pas rester à attendre, nous ouvrons donc un petit restaurant-bar au carénage de Chacachacare. Nous offrirons une table d'hôte le midi, un '' Happy Hours'', plus le souper qui sera composé de plats un peu plus évolués ou de grillades. C'est un restaurant privé sur l'aire de carénage, donc réservé aux voiliers. Cela veut dire que nous n'avons pas une très grande clientèle, l'avantage que l'on a, c'est qu'elle est là... Il y a actuellement une vingtaine de personnes qui travaillent sur leur bateau, ce n'est pas énorme, mais il y a moyen de les fidéliser. On va voir, de toutes façons, il faut travailler... Nous partons cet après-midi à la recherche d'une vieille minoune (auto) qui nous permettra de faire les courses. Nous préférerions travailler sur la mer, mais bon en attendant cela peut être très sympa, nous continuerons à vivre à bord et travaillerons dans le milieu bateau (et même au milieu des bateaux !).

 
Margarita le 25 Juin 2005.
Aujourd’hui, c’était le jour de l’inauguration de notre affaire… Mais pas celle dont nous avions parlé. Nous venons de nous associer avec Juan Baro qui est la personne qui fait les papiers d’entrée et de sortie des bateaux qui arrivent à Margarita. Ce n’est pas l’association idéale car c’est une personne que nous connaissons peu mais bon, nous devons travailler…
Nous montons donc l’affaire, un ‘Mini-Market’ pour les plaisanciers. Cela fonctionne bien. Cela nous a pris 3 mois à le monter, et déjà l’avenir du commerce est prometteur. Nous voulons aller plus loin, organiser des dimanches grillades, etc. Nous avons 33% de l’affaire, il investit, sa mère fait les courses et la compta, ce qui donne à chacun 1/3 de l’affaire. Le dimanche, personne n’est ouvert, personne ne travaille ici, les plaisanciers ne savent que faire… Nous proposons les grillades en partageant entre les associés présents qui travaillent… Refus… Bon ok, nous voyons un peu plus l’avenir. Il veut 2/3% de ce que l’on va gagner en restant chez lui à se reposer. Nous freinons donc un peu vers cette direction et accélérons sur la promotion de nos sorties 4X4 dans le nord de l’île. 
Nous attendions depuis 2 ans un voilier afin de pouvoir enfin répondre à notre clientèle de charter. Nous venons, après s’être fait promener durant tout ce temps d’apprendre que le propriétaire du voilier a décidé d’en vendre la moitié et le rapatrie sur les USA. Super, toute cette promo, tout ce travail, pour rien. Son dernier email disait qu’à la prochaine réservation, nous pouvions aller chercher le bateau. Nous avons eu la dite réservation, mais nous n’avons plus le bateau… On devrait lui facturer nos derniers deniers investis dans la promotion de son bateau… Mais bon, c’est de l’histoire ancienne déjà et la page est tournée, encore un qui a profité de notre situation et notre état d’aventuriers…
Revenons à aujourd’hui…
 
Laguna Grande Dimanche 17 juillet 2005
 
Nous sommes à Laguna Grande car mercredi dernier, la météo prévoyait le passage d’Emilie (cyclone) sur Margarita. Nous nous réveillons donc mercredi matin pour aller travailler au Mini-Market. Il est 8h00. Nous arrivons et regardons la météo, il y a déjà au moins 50 des 100 bateaux qui étaient au mouillage qui ont levé l’ancre. L’horizon est plein de voiles blanches, cela fait peur… Tout le monde s’en va se mettre à l’abri, la météo n’est pas très optimiste, la décision n’est jamais facile à prendre. Mais une chose est sûre, nous ne voulons pas revivre la même chose que l’année passée avec Yvan… C’est hors de question. Nous avons eu de la chance avec Yvan, nous ne voulons pas la pousser trop loin. Il ne se passera peut-être pas grand chose, mais il vaut mieux partir pour rien que de rester et affronter la bête… Nous décidons donc de partir au plus vite. Nous partons sans faire le plein de nourriture, de gasoil, d’eau, mais peu importe, on sait se débrouiller, ce qui compte est de mettre notre capital et nos vies à l’abri. Nous levons l’ancre en toute hâte à 9.00, à 10.30, le moteur fait un drôle de bruit, il y a de la fumée, il perd l’eau du système de refroidissement (eau douce qui est refroidi par l’eau de mer), nous vidons nos réserves d’eau douce et faisons demi-tour. Le téléphone sonne, c’est mon frère Christophe qui nous donne de mauvaises nouvelles de la santé de Maman, bref, c’est la série… Nous appelons Juan et Philippe qui était là également pour demander l’assistance d’un mécano. La VHF tombe en panne, nous utilisons la portable et revenons au plus vite au mouillage. Nous jetons l’ancre et Éric, un mécano arrive pour nous aider. Il s’agit en fait d’un trou dû à l’oxydation d’un demi centimètre dans l’échangeur. Un peu de pâte époxy et à 12.30 nous repartons en direction de Mochima pour se mettre à l’abri. Le problème est que nous n’avons plus les cartes sur le PC car le lecteur de CD est mort, il va falloir renter dans une lagune étroite de nuit à vue… Pas bon du tout ! Nous comptons sur la lune, arrivés à l’entrée, un gros nuage vient éteindre le peu de lumière que la nature nous offrait. Nous étions déjà à l’entrée, nous ne pouvions faire demi tour. J’avais pris quelques points GPS plus ou moins précis. La solution : tout éteindre, habituer notre vue tel un chat et allumer le spot uniquement en cas de doute pour ne pas perdre notre vision nocturne. Nous finissons par arriver, jetons l’ancre, épuisés… Avant de dormir, nous vidons toujours la cale (il y a toujours un peu d’eau qui entre dans un bateau…) en déclenchant la pompe. Pas de réponse de la pompe, je descends à fond de cale, teste les fils… La pompe est morte ! La série continue… On vide une dizaine de seaux d’eau avec une petite pompe manuelle made in China… On se couche KO. 
Hier, nous quittions Mochima pour remonter à Margarita. Le temps est mauvais et c’est pour cela que nous sommes depuis deux jours à Laguna Grande. Nous avons plongé aujourd’hui pour aller chercher quelques huîtres perlières, des coquilles St-Jacques, des pétoncles. Il y a toujours de bons côtés, même dans les galères…  Nous allons essayer de remonter sur Margarita demain matin tôt afin de sortir le bateau et rentrer en France car ma mère à besoin de nous. Nous nous chargerons de perles car, comme nous avons toujours le même genre de budget dans nos voyages, il va falloir payer le carénage du bateau, les billets d’avion.
Cela fait beaucoup de signes et je crois qu’il faut les suivre, nous rentrons donc en France un moment, Moby Dick va se reposer, sécher et j’espère que l’on trouvera assez de travail pour l’assumer, et assumer notre retour auprès de lui. La santé, la famille, l’amour, cela vaut bien plus que tout cela. C’est aussi une autre belle et grande aventure de l’assumer. Nous allons choyer Maman qui a besoin de nous autant que nous avons besoin d’elle. Où que nous soyons, elle nous appelle chaque semaine, elle est toujours présente dans notre vie et notre aventure, à nous de l’être aussi maintenant.
 
La vie sur un bateau est extraordinaire (au sens premier aussi, pas ordinaire…) mais aussi difficile. Nous ne parlerons pas de l’éloignement, des proches qui ne le sont plus physiquement. Des odeurs du pays, des produits, des goûts qui finissent par manquer. Il y a l’aventure et le voyage confortable, j’entends par là les retraités ou les voyageurs qui peuvent rentrer quand ils veulent, une fois l’an, pour Noël ou les vacances, cela est différent. Ce qui est dur est d’assumer sa décision de vivre différemment, de faire sa vie où l’on est, de gagner sa monnaie locale pour acheter son poisson quotidien, de se débrouiller avec les moyens du bord, trouver des choses à faire, à vendre pour survivre. C’est énormément enrichissant et quelque part je crois plus proche de la liberté qu’un travail qui permet de s’acheter une Civic rouge, une tondeuse verte, une semaine à Cancun, deux semaines au terrain de camping. Pour moi, maintenant, toucher cet extrême est devenu tellement quotidien que le reste, la vie normale me paraît trop facile. C’est un peu ridicule peut-être de dire cela car j’ai vécu aussi normalement et c’est aussi dur sur d’autres côtés, mais une fois passé les futilités de l’escalade matérielle, on s’aperçoit que ce qui compte le plus est son rêve… Le vivre à tout prix, ou du moins essayer et pousser cette aventure au maximum que la vie peut le permettre. Cela fait qu’au moins on n’a pas de regrets. J’ai toujours voulu jouer les aventuriers, et cela depuis mon enfance, aux Scouts, avec les copains. Je suis content, pas encore satisfait et rassasié car j’ai encore quelques plans, mais ma vie n’étant pas finie, je vais continuer. La plupart de nos rêves d’adolescents sont rangés dans un placard avec la maturité, nos fantasmes, nos délires, les promesses les plus folles sont oubliées. Certains me traiteront peut-être d’adolescent attardé, je le prendrais comme un compliment. Aux Scouts, nous construisions des entreprises, des aventures que nous réalisions à notre niveau, cette formation est celle de la vie. Rêvez les jeunes ! Et allez-y ! Et les autres, les amis, les plus vieux assis devant la télé, sortez un soir nu les pieds dans la neige et criez que vous aimez la vie, criez le FORT, 3 fois en regardant les étoiles, vous verrez, cela vous fera le plus grand bien.
 
 
 
Voilà pour les aventures d'Éric, Karl et Cookie sur Moby Dick I
 


 

 

 

 

Éric et Karl un couple de 35 et 21 ans quittent le Québec à bord d’un voilier sans savoir vraiment naviguer, avec que quelques sous en poche. Trois ans après, et 7000 Km plus au sud, ils vivent dans un archipel d’îles à peine visibles sur les cartes. Ils sont intégrés au sein des familles de pêcheurs où ils aident cette population pauvre au cœur grand. C’est leur histoire qui est raconté dans ce livre, une expérience humaine unique, un hymne au courage et à la débrouille.

Leur journal commence, tel un journal de voyage classique, qui raconte le vécu, renseigne sur les lieux visités, puis peu à peu, il devient un vrai guide de l’aventure, de l’esprit à avoir, et surtout de la philosophie à suivre pour pousser cette aventure  jusqu’où l’on rêve de s’y conduire…